Sacrement du mariage : pour ne pas se marier idiot !
Part I
Ce texte que je mets en ligne est tiré d’un exposé sur diaporama que je faisais habituellement dans le cadre des CPM (Centres de Préparation au Mariage). Il conserve volontairement un style oral pour une compréhension facilitée.
Dominique THIRY+
10 août 200….. Quelque part en Moselle…..
Chers amis, soyez les bienvenus …. à votre mariage…. Belle aventure qui suppose un minimum de préparation. Ce n’est pas le mont Everest, mais on ne part pas comme ça, sans embarquer une bonne boussole, une carte et un bon équipement.
L’exposé que je vous propose se déroulera en deux temps. Dans un premier temps, nous découvrirons l’importance du sacrement et dans un deuxième temps, nous nous pencherons sur la liturgie.
Mais pour ne pas commencer par la langue de buis et pour bien comprendre l’enjeu de la démarche d’un mariage chrétien, il convient de se poser quelques petites questions fondamentales qui donneront le ton direct de notre entretien et mettront un peu la pression:
Pourquoi m’engager vis-à-vis de quelqu’un qui me blessera forcément un jour?
Je pourrais toujours trouver quelqu’un qui a plus de qualités et moins de défauts que mon futur conjoint. Alors pourquoi me marier avec lui? Sur quoi est fondé mon lien?
Est-ce que l’amour suffit pour former un couple heureux? C’est quoi d’ailleurs aimer? D’où ça vient?
La passion passe. Alors peut-on durer?
Mystère: comment se fait-il que le même amour se retrouve identiquement dans son cœur et dans le mien? D’ailleurs pourquoi lui et pas un autre?
Sérieusement, suis-je vraiment certain que je vais pouvoir l’aimer durant toute une vie? C’est un peu long, non?
Ne peut-on pas aimer à l’essai, pour trois mois, sans engagement… un forfait quoi, c’est moderne?
Pourquoi se marier alors que statistiquement il y a 1 chance sur 3 voire 1 chance sur 2 pour que ça casse!
Là le diablotin de service vient de faire son œuvre…… et qu’est-ce que vous répondez à cela ?
La bonne nouvelle : l’amour se fait sacrement
L’amour devient sacré parce que Dieu épouse les époux dans son sacrement ! ça c’est une sacrée bonne nouvelle !
L’amour humain signe du projet d’amour de Dieu
Malgré les bavures, les imperfections et mêmes les turpitudes, le monde est travaillé par ce dynamisme qu’est l’amour: Dieu qui lentement, pendant des millions d’années, a fait jaillir la vie, est actuellement à l’œuvre dans sa création pour que les hommes puissent vraiment aimer. Le sens de la vie pour chacun est là: construire l’amour.
Le signe de cette mystérieuse action divine?
C’est le constat que je peux faire en moi, dans mon cœur: j’ai soif d’être aimé. Et cette soif est accompagnée d’une certitude : à aimer, je ne me trompe pas.
Mais la question effectivement : comment construire l’amour entre nous, un amour solide, qui dure. Cet amour parait si fragile, à cause d’un quotidien pas facile, d’une situation économique, sociale et culturelle assez sombres (pas franchement folichonne), à cause de nos volontés faibles et nos histoires blessées, de nos engagements versatiles, de nos désirs de changer, de voir du neuf constamment, etc…. Comment construire un amour qui dure dans ces conditions ? Parce que l’amour, comme toute réalité, a besoin de temps pour se construire. Comment et sur quoi construire l’amour ?
Dieu vous propose son sacrement
Face au constat de cette fragilité de la vie, la bonne nouvelle, c’est que Dieu nous propose son sacrement. Alors c’est quoi le sacrement du mariage?
Le sacrement du mariage, c’est une alliance entre 3 libertés, 3 vies, 3 amours, qui s’unissent pour être plus forts, c’est-à-dire pour qu’il y ait plus de libertés, plus de vies, plus d’amour !
On est là devant une consolidation extraordinaire d’un projet de vie. Parce que dans le panier, il y a un élément décisif : c’est Dieu et tout ce qu’il est : une liberté absolue, un amour infaillible et infini pour moi (la charité), une fidélité éternelle. Ce qui est faillible dans le panier, c’est moi. Mais grâce au sacrement, je vais me trouver porté, dynamisé, boosté, relancé constamment par le Seigneur, qui est là pour consolider l’engagement que je prends vis-à-vis de mon époux ou de mon épouse. Le jour de notre mariage est consolidé le lien entre nous, les époux, grâce à DIEU, parce que Dieu nous aime !
Le mariage catho, c’est la roll’s du lien !
Je voudrais citer le pape Benoît XVI dans sa très belle encyclique « Deus Caritas est ».
« Nous avons cru à l’amour de Dieu: c’est ainsi que le chrétien peut exprimer le choix fondamental de sa vie.
À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive. »
Mais ce lien consolidé est à poursuivre dans sa construction. Tout n’est pas fait le jour du mariage. Un sacrement, ce n’est pas quelque chose de magique, qu’on demanderait et qu’on subirait, et qui nous tiendrait malgré nous. On n’est pas dans une vision païenne des relations entre Dieu et l’homme. Le sacrement du mariage, c’est l’engagement réaliste des libertés, telles qu’elles sont, pour établir et vivre une relation au jour le jour.
Je l’ai dit : dans la célébration de ce sacrement, Dieu prend un engagement vis-à-vis de moi. Il établit une relation unique entre moi et Lui. Il établit également une relation unique entre notre couple et Lui. Et le jour de mon mariage, je prends aussi un engagement vis-à-vis de Dieu. Nous –le nous du couple- prenons l’engagement d’entretenir une relation durable avec Lui. C’est bien une Alliance. Au cours de notre vie, qu’allons nous faire pour tisser des liens avec Dieu? Autres questions pour des champions, à ne pas négliger, please… c’est vital… merci…
C’est une Alliance qui repose sur la foi. L’attitude vitale que je dois avoir le jour de mon mariage, et vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis de mon conjoint, c’est de croire en eux, d’espérer en eux, et de les aimer. Croire, espérer, aimer, trois attitudes d’ouverture qui permettent de sceller l’Alliance et de la vivre tout au long de sa vie.
On voit là comment un engagement nous forme humainement, forme nos attitudes, nous éduque intérieurement. Et il s’agira de croire, même quand ce que nous percevrons semblera à l’opposé de cette confiance. Il y a un combat spirituel à vivre. Quand je serai devant une crasse commise par mon conjoint, je devrai continuer à croire, à espérer, à aimer. C’est pas facile, mais c’est vital !
Car, et c’est vrai et de Dieu et de mon conjoint, si je ne crois plus en lui, si je n’espère plus rien de lui, si je ne l’aime plus, ma vie n’a plus de sens. Elle est foutue ! L’Alliance est morte. Voyez l’enjeu de se forger ces attitudes humaines et spirituelles pour vivre l’Alliance. On voit bien là que dans ce lien qui va vous unir, il y a un enjeu spirituel extraordinaire.
Et il y a une lutte à mener contre ce qui est un véritable cancer qui affecte toutes mes relations structurantes : le péché. Le péché, ce n’est pas simplement le mal moral discerné par la conscience humaine. Le péché, c’est une notion religieuse qui signifie cette réalité spirituelle qui use progressivement la relation, la détruit petit à petit : relation avec Dieu, avec mon prochain, avec moi-même : exemple : l’orgueil, l’égoïsme, la suffisance, la malveillance, la soif de pouvoir et de richesse et la volonté de domination, …. Etc…. Le péché, c’est la mise en enfer de la relation.
J’ai donc besoin d’être sauvé dans mon humanité du péché qui tue l’amour en moi. Comme je l’ai dit précédemment, la relation est vivifiée, dynamisée par l’amour. C’est le carburant de la relation. Le péché au contraire détruit cet amour. C’est la rouille qui attaque le réservoir pour qu’il y ait fuite et panne sèche.
Il y a un combat à vivre, à mener. Comment mener la lutte ? Je ne peux pas y arriver seul! Si je suis un peu lucide sur moi-même, j’ai besoin d’un surcroît d’amour!
Mais bonne nouvelle. Je ne suis pas seul: le Christ mène le combat avec moi. Seul le contact prolongé avec le Christ, victorieux du péché et de la mort, source d’amour et de lumière, peut me purifier et me remettre debout à chaque fois que je ne suis pas à la hauteur de l’amour que je devrais vivre! D’où les sacrements comme l’eucharistie qui sont comme les pompes à essence sur l’autoroute de ma vie.
Je voudrais vous citer encore Benoît XVI à propos du Christ.
« Sa mort fut un acte d’amour. Au cours de la dernière Cène, Il a anticipé sa mort et Il l’a transformée en don de soi. Sa communion existentielle avec Dieu était concrètement une communion existentielle avec l’amour de Dieu, et cet amour est la vraie puissance contre la mort, il est plus fort que la mort. La résurrection fut comme une explosion de lumière, une explosion de l’amour… » Benoît XVI, homélie veillée pascale 2006
Je vous ai dit que le sacrement est une alliance indéfectible, pas un contrat. Qu’est-ce qui distingue l’Alliance du contrat ? Le concubinage, le pacs, le mariage civil sont des contrats plus ou moins explicites. Ces liens plus ou moins officiels reposent sur des clauses qu’on peut dénoncer : « tant que tu fais ci et que tu es comme ça, ça tient. Si ça change, on renégocie ou on se quitte. » Précisions: quand on a tissé des liens, la séparation équivaut au moins à deux ans de dépression (minimum). On ne refait jamais sa vie, on la poursuit comme on peut, avec son histoire blessée.
L’Alliance sacramentelle est fondée sur le don irrévocable entre personnes. Dans un mariage catholique, on décide librement, volontairement de se donner à l’autre pour toujours, sans condition aucune. Vous connaissez le proverbe : donnez, c’est donner, reprendre c’est voler.
Mais on peut se demander si on n’est pas un peu fou de choisir l’alliance plutôt que le contrat, qui semble quand même moins contraignant puisqu’on peut reprendre ses billes à tout moment?
Alors il suffit de se poser une petite question toute simple: à votre avis, qui m’aime le plus, qui me respecte le plus ? Celui ou celle qui me dit : « je t’aime à l’essai, sans engagement, sous contrat en CDD pour trois mois, et puis après on verra. » Ou celui ou celle qui me dit : « je décide de t’aimer pour toujours, quoi qu’il arrive, et je me donne à toi définitivement, quoi qu’il m’en coûte. » ça, c’est l’alliance. Ça c’est le prix de l’amour. C’est votre amour, et dans le fond, croyez moi, c’est le désir de tout un chacun. Un amour qui n’a pas de promesse éternel n’est qu’un égoïsme qui ne dit pas son nom. Il est fondé sur la peur de l’autre, sur l’incapacité à s’engager, sur un manque de maturité qui le voue à l’échec.
L’amour forfait -trois mois à l’essai -, déclare forfait.
Alors vous voulez vous marier chrétiennement ? Et bien vous avez raison. Ce mariage ne peut être qu’un vrai mariage d’amour, fondé sur la liberté et l’engagement réciproque. Il suppose une maturité.
Un mariage chrétien ne peut être le fruit que d’une décision libre. « Ma liberté, la voici: je prends la décision de t’épouser et j’assume cette décision jusqu’au bout, de façon libre et responsable, quoi qu’il arrive. » En régime chrétien le mariage n’est pas subi comme un devoir « naturel » ou une obligation, il est choisi comme une vocation, parmi les vocations. En effet, dans l’Eglise, comme le célibat qui doit être choisi sans contrainte pour celui qui a une vocation à se consacrer à Dieu et à ses frères en humanité, le mariage doit être choisi et non subi. Je sais bien que les choses sont mélangées, mais si le lien entre deux personnes n’est que le fruit d’une pression extérieure (familiale, sociale, culturelle, économique) ou intérieure (peur d’être seule et de s’assumer, manque de maturité (incapacité de se décider vraiment), appât du gain ou désir d’une situation confortable, incapacité à maîtriser ses passions et ses pulsions sexuelles, soumission à l’autre qui nous domine psychologiquement…etc..), il n’est pas libre.
Pour savoir quelle est votre réelle liberté devant l’engagement que vous allez prendre, il faut mesurer et distinguer de quel amour vous vivez. Il y a en effet différents degrés dans l’amour. Pour simplifier, j’en vois deux: l’amour passion (EROS) et l’amour don (AGAPE). Tous les deux sont nécessaires, mais le plus important, c’est l’amour don. Si l’amour don vous guide, vous êtes prêts à vivre le sacrement du mariage.
Description :
L’amour passion, l’Eros = désir intense qui s’impose, qui cherche l’ivresse, la satisfaction des sens, désir et joie de posséder pour soi.
Amour tourné vers soi.
L’amour don, Agapé = désir fort de combler autrui, de tout faire pour son bonheur, joie de tout donner, de se renoncer si nécessaire et de se sacrifier pour le bien de l’autre. Amour tourné vers l’autre
L’amour passion passe. Le flash, le senti n’est pas suffisant. Un vieux jésuite disait même: le senti ment…Ce n’est pas toujours exact, mais la passion est loin d’être suffisante pour construire un mariage solide et sacramentel. C’est important, car il y a des époques dans la vie où on peut ne plus éprouver de sentiments pour son conjoint, et même en éprouver pour sa secrétaire ou son banquier…. Danger…. Périodes très difficiles, qui sont souvent à l’origine de rupture si l’amour qu’on a tissé se fonde exclusivement sur la passion. Périodes de purification de l’amour qui nous permettent de choisir et de grandir dans la liberté de l’amour-don. L’amour a un prix. L’engagement, la liberté responsable ont un prix. Si je l’accepte, je décide de réussir ma vie et de lui donner de la valeur, du prix.
Jésus nous dit: « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour celui qu’on aime. » L’amour, le vrai, le solide, celui que je dois identifier pour savoir si je peux m’engager dans le mariage, se vérifie dans la volonté de me donner pour toujours.
Le don exige naturellement la fidélité, une fidélité qui m’engage complètement. Thérèse de l’enfant Jésus disait : « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même ». Le signe de l’amour, c’est l’absolu.
Benoît XVI nous dit :
« Sa promesse vise à faire du définitif : l’amour vise à l’éternité » Oui, l’amour est «extase», mais extase non pas dans le sens d’un moment d’ivresse, mais extase comme chemin, comme exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi. » n°6
Est-ce que je ne fais pas ce constat que je ne suis jamais plus heureux que quand je suis tout à l’autre?
IMPERATIF: Au dessus de votre lit conjugal, écrivez au couteau sur un morceau de bois : amour = don
Mais pas seulement : aimer, c’est aussi avoir savoir accueillir, faire une place à mon conjoint, l’accueillir et le recevoir, et recevoir ce qu’il est, parce que c’est un bienfait pour moi. C’est très très important, au point où dans la formule même par laquelle vous vous marierez, (à apprendre par cœur), il est dit en premier : « je te reçois comme époux (épouse), et je me donne à toi pour t’aimer fidèlement…etc… »
Je reçois l’autre, c’est formidable. Quel appui pour ma vie ! Je ne suis pas seule.
Mais allons plus loin maintenant que je vous ai désigné comme priorité l’Amour Don, l’AGAPE.
Benoît XVI nous invite à vivre l’intégration.
« L’amour est une réalité unique, mais avec des dimensions différentes; tour à tour, l’une ou l’autre dimension peut émerger de façon plus importante. Là où cependant les deux dimensions se détachent complètement l’une de l’autre, apparaît une caricature ou, en tout cas, une forme réductrice de l’amour. » n°8
Vivre l’amour intégral, c’est vivre l’intégration de l’eros et de l’agape dans l’unité de ma personne => là je tends vers le BONHEUR.
Benoît XVI précise son propos. Il nous dit :
« Si, initialement, l’eros est surtout sensuel, ascendant – fascination pour la grande promesse de bonheur –, lorsqu’il s’approche ensuite de l’autre, il se posera toujours moins de questions sur lui-même, il cherchera toujours plus le bonheur de l’autre, il se préoccupera toujours plus de l’autre, il se donnera et il désirera «être pour» l’autre. C’est ainsi que le moment de l’agapè s’insère en lui ; sinon l'eros déchoit et perd aussi sa nature même. D’autre part, l’homme ne peut pas non plus vivre exclusivement dans l’amour oblatif, descendant. Il ne peut pas toujours seulement donner, il doit aussi recevoir. Celui qui veut donner de l’amour doit lui aussi le recevoir comme un don. L’homme peut assurément, comme nous le dit le Seigneur, devenir source d’où sortent des fleuves d’eau vive (cf. Jn 7, 37-38). Mais pour devenir une telle source, il doit lui-même boire toujours à nouveau à la source première et originaire qui est Jésus Christ! » n°7
Deux équations, deux choix possible:
· EROS + AGAPE = Amour vivant et en croissance
· EROS // AGAPE = Mort de l’Amour
Alors c’est quoi l’amour ?
L’amour dont vous vivez est comme une énergie intérieure formidable, qui vous lie l’un à l’autre et vous pousse à construire votre vie ensemble, en donnant la priorité au bonheur de votre conjoint, et en ayant le souci de vous ressourcer constamment. Si chacun considère l’autre comme plus important que soi, votre amour, il est béton et il va grandir de façon exponentielle si vous y mettez le carburant de l’AGAPE.
Le constat que vous faites sûrement est que l’amour en vous est vraiment mystérieux. D’où vient-il? Comment se fait-il que je puisse comme ça donner ma vie à quelqu’un, mais c’est fou ? Pourquoi toi et moi ensemble pour la vie? Est-ce le hasard, mais peut-on aimer par hasard? Le chrétien n’a pas d’autres réponses que celle de sa foi: «Dieu est Mystère et Amour-AGAPE. Il est ce Père bienveillant à mon égard, qui veut vraiment mon bonheur. Par fidélité à ce qu’il EST au plus profond de Lui-même, il a déposé de l’amour dans mon cœur et le tien. Et s’il l’a fait, c’est qu’Il sait que nous pouvons nous aimer librement et en vérité jusqu’au bout de notre vie. Et que notre chemin pourra être un chemin de croissance et de bonheur. Et bien quel roc, quel rocher pour ma vie de savoir cela!»
Aux non-croyants que je respecte vraiment, je dis que vous aurez beau dressé la liste de toutes les qualités de votre conjoint et en faire la somme en soustrayant les défauts, pour y trouver les raisons de votre amour, vous n’y arriverez pas. On peut toujours trouver quelqu’un d’autre qui a plus de qualités. Donc on a aucune raison de s’engager pour toujours si ce sont les qualités du conjoint qui sont déterminantes.
Et ça c’est la logique de l’amour découvert grâce à la foi chrétienne : l’amour que vous devez avoir pour votre conjoint est un amour à l’image de celui que Dieu a pour nous. Il doit se baser sur la personne, et non sur ses qualités (ou ses défauts). Je ne t’aime pas comme j’aime mon sandwich qui est bon. C’est toi que j’aime, pas d’abord tes qualités. C’est important car tout évolue. J’épouse quelqu’un. Je me donne à quelqu’un qui va changer, mais qui sera toujours le même à aimer.
L’amour fondé sur le don réciproque, corps et cœur débouche sur le don de la vie: vos enfants seront le fruit du sacrement d’amour qui vous lie à Dieu, Créateur et Source de toute vie. C’est l’une des missions du couple que de former une famille où est accueilli le don de la Vie. Vous devenez procréateurs avec le Créateur, formés à son image. C’est une dignité et une responsabilité incroyable.
Et du coup la sexualité prend une dimension sacramentale: elle permet non seulement l’ouverture au conjoint, mais aussi l’ouverture à Dieu, et l’ouverture à la vie quand elle est vécue pleinement.
L’Eglise n’a pas du tout une vision négative de la sexualité. Mais elle a une vision sacramentale, c’est-à-dire que la sexualité n’est pas vue exclusivement comme le moyen d’assouvir une passion (eros), mais comme le moyen propre, unique, exclusif aux époux de créer et de favoriser des relations. J’ai une relation sexuelle avec mon épouse ou mon époux pour favoriser notre relation unique, privilégiée de couple, que je ne peux vivre qu’avec mon époux. Et je peux parfois m’abstenir parce que ça ne favoriserait pas cette relation. Et je peux parfois aussi me donner à l’autre alors que je n’en ai pas envie parce que je sens que pour l’autre c’est important (la chasteté, c’est ça). Vous voyez cette vision ouverte sur l’autre, sur la relation. Et la passion et la jouissance et le plaisir des corps et des cœurs que je peux éprouver sont profondément bons parce qu’ils servent alors et mon bien et surtout cette ouverture à mon conjoint, la construction de cette relation unique, intime, profonde, exclusive qui existe dans le couple.
Et parce que je me suis engagé vis-à-vis de Dieu dans le mariage, cette relation sexuelle sera le signe, exprimera l’amour fou de Dieu, intime, communiel, particulier, son amour infiniment sponsal pour l’Eglise et pour l’humanité.
Au cœur de cette relation sexuelle, je bénéficierai donc de cet amour qui vient de Dieu qu’on appelle l’agape ou encore la charité. Ça c’est une vision sacramentale de la sexualité. C’est la vision hyper positive de l’Eglise que j’ai résumé dans ce tableau. Relisons le ensemble.
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Une sexualité sacramentale = relation intégrale et intégratrice, ouverte à toutes les dimensions de mon être.
· corps et esprit « conjugalisés » (unité de la personne réalisée dans l’ouverture au conjoint)
· Eros + AGAPE (intégration= la jouissance est au service (favorise) de la connaissance du conjoint de l’autre sexe (finalité). En étant vraiment réaliste, l’union sexuelle (des sexes) ne peut être « qu’hétéro ». Elle est faite pour découvrir l’autre, dans sa différence physique et spirituelle)
· Développement de toutes mes relations intimes structurantes: ouverture à mon conjoint, à Dieu (AGAPE), à moi-même
· Tous les fruits de la relation: croissance de l’unité du couple, joie et jouissance partagées, vie affective stabilisée et renforcée, ouverture à la vie (croissance potentielle et maîtrisée de la famille), croissance de l’intériorité (notre vie spirituelle) => influence positive sur notre projet de vie
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J’insiste là-dessus parce que c’est la culture hédoniste dans laquelle nous sommes qui nous impose cette pensée très réductrice que la sexualité ne serait faite que pour sa propre jouissance, détachée donc de la relation à l’autre, dans une perspective très individualiste. Pour faire simple, je dirai : « Je peux coucher avec à peu près tout le monde parce que je n’ai aucune relation stable avec personne. En fait, je ne crée pas de relation, ou trop éphémère » De fait, cette culture renvoie constamment l’individu à lui-même au lieu de l’ouvrir à l’autre, au lieu de l’aider à construire une relation privilégiée avec autrui : mais alors faut-il encore qu’il se marie si il a cette vision des choses?
Là aussi je vous ai fait un tableau pour résumer cette vision de la sexualité dans notre culture. Relisons le ensemble :
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Une sexualité schizophrène = relation partielle et réductrice, fermée à certaines dimensions de mon être
· Le corps coupé de l’esprit (déshumanisation, instrumentalisation du corps (il n’est plus moi, il est à moi); logique marchande : le corps devient un produit de consommation courante)
· Seul Eros compte // AGAPE (jouissance déconnectée de la relation à autrui)
· Développement d’une relation excessive à soi au détriment de mon «partenaire» (quel qu’il soit: il a peu d’importance et peut être changé. Il n’est plus un conjoint, mais un partenaire. => la relation est non stable; elle n’est plus considérée que comme un jeu « sans conséquence » (pas de projet de vie)), coupé de Dieu (indifférence presque totale: intériorité vide et creuse, malaise profond => recherche de compensation à travers les psychotropes et autres substances dangereuses… pour oublier)
· Les fruits de la relation? Régression du « couple »(=> duo), fermeture à la vie (population vieillie), individualisme renforcé, amertume (=le sexe triste, qui n’est plus reconnu comme lieu privilégié d’intégration de la différence interpersonnelle; crise de la relation d’altérité (masculin/féminin), fondatrice du projet social dont la famille est la première cellule=> ruptures et divorces, développement de l’homosexualité, bisexualité, transsexualité… pratiques échangistes et SM, prostitution…= pâle imitation et recherche désespérée de la vie conjugale)
=> seule l’expérience compte au détriment de la construction du projet de vie
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Au bilan, dans notre société hédoniste qui n’est plus chrétienne du tout, vous avez :
· Un individualisme exacerbé à tous les niveaux de la vie sociale: la toute puissance du MOI engendre l’abandon de l’éducation humaine de la personne (quid de la culture et de la civilisation?) au profit du bien-être immédiat et de la jouissance individuelle (recherche épuisante). La relation à autrui n’est plus construite. Elle est déstructurée et déstructurante=> maladies psychiques
· 30% des personnes en âge de se marier sont célibataires, n’ont pas choisi de l’être, et se trouvent en situation de précarité affective. 30%, et malheureusement ce chiffre est en augmentation. On voit bien là l’échec social d’une culture qui se base exclusivement sur l’hédonisme et qui tue en vérité la relation au lieu de la favoriser, qui tue toute l’éducation à la relation, bien qu’elle se gausse d’être plus communicante et d’être plus libérée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes!
· J’ajoute que la pauvreté a augmenté considérablement dans les « familles dites monoparentales », c’est-à-dire que ce sont les femmes seules avec enfants qui font les frais de cette logique qui casse le relationnel, qui détache la fonction sexuelle de son but qui est la relation. Tout cela se traduit par un manque de protection et de respect de la femme dont on ne voit plus que le corps idéalisé + une déstructuration éducative et affective chez les enfants dont la violence augmente.
· D’autres chiffres qui sont le fruit de notre société hédoniste et qui peut-être vous font peur: 1 mariage civil sur 3 ou 2 se termine par un divorce avec l’augmentation des violences conjugales et de la maltraitance des enfants.
Mais ce qu’on se garde bien de vous dire, ce que ce n’est pas le cas pour le mariage religieux: les statistiques donnent 1 mariage sur 7. Petite différence…. Évidemment… et on peut se poser la question: pour quelle raison ces chiffres? Est-ce parce que les personnes qui s’engagent dans un mariage religieux sont meilleures que les autres? Non, bien sûr… mais alors pourquoi?
Peut-être tout simplement parce qu’on a un tiers qui nous échappe et qu’on n’a pas encore réussi à mettre dans les statistiques de nos ordinateurs…. Ou peut-être parce que le plus grand tabou dans notre société, ce n’est plus le sexe, mais Dieu!!!! … surtout évitons d’en parler, ça pourrait nous aider à réussir notre vie…. pschutt’ …
Le jour de votre mariage, Dieu vous apportera son amour divin, sa charité. Il est la source de l’amour. Le sacrement, c’est votre amour dans un surcroît d’amour divin. Vivez le à fond, c’est le grand conseil du jour !
Un mot sur l’enfant ! Un petit mot encore sur l’accueil de la vie. L’enfant est le cadeau le plus précieux du couple. C’est un don, un cadeau de Dieu, pas un droit. Oui, je peux désirer avoir des enfants, mais je n’ai pas de droit exigible à l’enfant : parce que l’enfant n’est pas une chose exigible, mon esclave. L’enfant c’est un être humain à part entière qui a toute sa dignité et tout son mystère. L’enfant n’est pas programmable et maîtrisable selon mon désir tout puissant. Et vous allez très vite le comprendre. Il y a là encore une illusion de notre société marchande et hédoniste qui nous fait croire qu’on peut tout avoir tout de suite selon notre désir : « comme je veux quand je veux ». J’ajoute il n’y a pas deux enfants strictement identiques, même jumeaux.
Le baptême rappelle cette dignité de l’enfant, qui est à l’image de Dieu et qui est fait fils ou fille de Dieu au cours de la célébration. Détail important aussi pour vous: le baptême des petits enfants est possible jusqu’à l’âge de 3 ans. Après, jusqu’à 7 ans, ce n’est plus possible. Par expérience, à partir de deux ans, ça commence à être très sportif pour le baptiser. On comprend que l’Eglise sursoit au baptême jusqu’à 7 ans, l’âge de raison.
Le Seigneur vous donnera vos enfants comme un cadeau extraordinaire qui va changer votre vie. Quand l’enfant sera accueilli, vous allez changer de statut. Vous allez surtout vous en rendre compte quand vous aurez le premier. Vous étiez l’un pour l’autre époux et épouse. Vous allez devenir à présent papa et maman. Ça change beaucoup de chose. Ça change la voiture peut-être mais pas seulement. Ça change surtout votre responsabilité. Votre responsabilité sera d’éduquer cet enfant. Eduquer, ça vient du latin et ça veut dire conduire, mener à. Vous aurez la charge de mener votre enfant à l’âge adulte, faire de lui un adulte. C’est quoi un adulte ? Un adulte, c’est quelqu’un qui est capable d’engager sa vie et de tenir sa parole jusqu’au bout. C’est celui qui est mûr. Votre rôle d’éducateur, c’est un rôle hyper important où vous allez construire votre enfant, son univers, pour qu’il devienne un homme ou une femme debout, capable de s’engager à son tour. L’Eglise vous demande d’éduquer vos enfants. Malheureusement dans notre culture hédoniste et égoïste, on confond l’éducation et le bien être : « Pourvu que mon petit soit bien et qu’il ait tout ce qu’il faut »… je le mets en couveuse. Et comme dit Guy Gilbert, le prêtre des loubards qui sait ce à quoi conduit l’absence d’éducation, « un jour il vous crachera à la gueule ». Eduquer, c’est transmettre une façon de vivre qui façonne l’être humain non pas pour qu’il ait tout mais pour qu’il devienne bon, intelligent, serviable, humain, ouvert, capable de se donner, capable de se dépasser, capable d’aimer en vérité, d’être juste, d’être fidèle, d’être soutien pour les autres… etc…etc… Si vous avez besoin d’un bon manuel pour éduquer, je vous conseille l’Evangile de Jésus-Christ et de regarder ce personnage qu’est le Christ. Là vous avez un modèle d’humanité sûre et épanouissant.
Un arbre jeune qui n’a pas de tuteur est un arbre qui ne poussera pas droit. Il ne suffit pas de lui filer son steack frites qu’il aime tant, de lui offrir la dernière console de jeux XBox 360, PSP ou gameboy DS pour avoir l’impression qu’on a éduqué son gamin. On vient juste de le renforcer dans son égoïsme. Eduquer, c’est affronter le refus. C’est pénible de rappeler la règle et de la vivre d’abord. Mais c’est moins coûteux de foutre en l’air toute une vie, faute de racine et de capacités intérieures. Excusez moi de vous dire tout cela mais votre génération à cet enjeu à vivre. J’ajoute qu’il y a une intériorité à construire également. Et l’Eglise vous demande d’aider votre enfant à construire son intériorité en développant chez lui l’esprit de prière, la foi l’espérance et l’amour et en le conduisant à découvrir Celui sur qui il pourra faire reposer sa vie entière : le Christ ! L’Eglise vous aidera.
En résumé, un petit tableau encore pour redire ce que signifie le sacrement du mariage :
Deux personnes qui s’aiment | sont la preuve visible que | Dieu aime le monde et veut le bonheur des hommes |
Deux personnes qui s’épousent pour la vie | rappellent au monde que | Dieu veut épouser l’humanité pour l’éternité |
La petite alliance qu’ils mettent à leur doigt | évoque | la grande alliance que Dieu veut faire avec l’homme dans son Fils |
Les petites noces terrestres, le sacrement du mariage | annoncent | les noces grandioses de l’éternité, les noces du Christ et de l’Eglise |
Note de l’auteur : vous pouvez abondamment utiliser ce texte… mais qu’il reste gratuit. Merci !
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