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  • : Communauté; catholique du Bon Pasteur de Thionville
  • : Rencontre avec une communauté chrétienne catholique de Moselle, à Thionville (rive gauche). Trouver les infos qu'il vous faut: prière, réflexion, méditation, baptême, première communion,confirmation, sacrement de l'ordre, mariage, funérailles, .......
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Adoration du St Sacrement




"Christ au centre,
Christ pour tous!"

Tous les mercredis soir, de 20h15 à 21h30, à l'église de Veymerange, venez prier et louer le Seigneur, sur fond de chants de taizé et de l'Emmanuel. Le Saint Sacrement est exposé pour l'adoration.

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Que Dieu vous bénisse

Je vous souhaite la bienvenue sur le blog de la communauté de paroisses du Bon Pasteur ! Si vous souhaitez me contacter, vous pouvez le faire à l' adresse ci-dessous ou en me téléphonant au presbytère. 

  Le secrétariat est au presbytère de Veymerange,

16 rue St Martin, 57100 Veymerange.

Hors vacances, les heures d'ouverture du secrétariat sont: mardi et vendredi de 17h00 à 18h30 et mercredi de 10h00 à 12h00.

Durant les vacances scolaires, il n'y a qu'une permance le vendredi.

l:  03.82.50.40.06

 courriel: jp.kovacs@eveche-metz.fr

----------------------------------Pour vous informer:------------------

 
KTO, la télé catho:Lien vers KTO
 
FPour aider la quête diocésaine:faire-un_don2.jpg

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Ensemble, avec le Christ au centre, le Christ pour tous!
  Jean-Pierre Kovacs
Le curé de la Communauté du Bon Pasteur
 Notre partenaire:
http://toplouange.over-blog.fr

Articles RÉCents

27 avril 2006 4 27 /04 /avril /2006 22:05
Sacrement du mariage : pour ne pas se marier idiot !
 
Part I
Ce texte que je mets en ligne est tiré d’un exposé sur diaporama que je faisais habituellement dans le cadre des CPM (Centres de Préparation au Mariage). Il conserve volontairement un style oral pour une compréhension facilitée.
 
                                                                                             Dominique THIRY+
 
                                               10 août 200….. Quelque part en Moselle…..
 
Chers amis, soyez les bienvenus …. à votre mariage…. Belle aventure qui suppose un minimum de préparation. Ce n’est pas le mont Everest, mais on ne part pas comme ça, sans embarquer une bonne boussole, une carte et un bon équipement.
L’exposé que je vous propose se déroulera en deux temps. Dans un premier temps, nous découvrirons l’importance du sacrement et dans un deuxième temps, nous nous pencherons sur la liturgie.
Mais pour ne pas commencer par la langue de buis et pour bien comprendre l’enjeu de la démarche d’un mariage chrétien, il convient de se poser quelques petites questions fondamentales qui donneront le ton direct de notre entretien et mettront un peu la pression:
 
Pourquoi m’engager vis-à-vis de quelqu’un qui me blessera forcément un jour?
 
Je pourrais toujours trouver quelqu’un qui a plus de qualités et moins de défauts que mon futur conjoint. Alors pourquoi me marier avec lui? Sur quoi est fondé mon lien?
 
Est-ce que l’amour suffit pour former un couple heureux? C’est quoi d’ailleurs aimer? D’où ça vient?
 
La passion passe. Alors peut-on durer?
 
Mystère: comment se fait-il que le même amour se retrouve identiquement dans son cœur et dans le mien? D’ailleurs pourquoi lui et pas un autre?
 
Sérieusement, suis-je vraiment certain que je vais pouvoir l’aimer durant toute une vie? C’est un peu long, non?
 
Ne peut-on pas aimer à l’essai, pour trois mois, sans engagement… un forfait quoi, c’est moderne?
 
Pourquoi se marier alors que statistiquement il y a 1 chance sur 3 voire 1 chance sur 2 pour que ça casse!
 
Là le diablotin de service vient de faire son œuvre…… et qu’est-ce que vous répondez à cela ?
La bonne nouvelle : l’amour se fait sacrement
 
L’amour devient sacré parce que Dieu épouse les époux dans son sacrement ! ça c’est une sacrée bonne nouvelle !
 
L’amour humain signe du projet d’amour de Dieu
 
Malgré les bavures, les imperfections et mêmes les turpitudes, le monde est travaillé par ce dynamisme qu’est l’amour: Dieu qui lentement, pendant des millions d’années, a fait jaillir la vie, est actuellement à l’œuvre dans sa création pour que les hommes puissent vraiment aimer. Le sens de la vie pour chacun est là: construire l’amour.
 
Le signe de cette mystérieuse action divine?
 C’est le constat que je peux faire en moi, dans mon cœur: j’ai soif d’être aimé. Et cette soif est accompagnée d’une certitude : à aimer, je ne me trompe pas.
 
 Mais la question effectivement : comment construire l’amour entre nous, un amour solide, qui dure. Cet amour parait si fragile, à cause d’un quotidien pas facile, d’une situation économique, sociale et culturelle assez sombres (pas franchement folichonne), à cause de nos volontés faibles et nos histoires blessées, de nos engagements versatiles, de nos désirs de changer, de voir du neuf constamment, etc…. Comment construire un amour qui dure dans ces conditions ? Parce que l’amour, comme toute réalité, a besoin de temps pour se construire. Comment et sur quoi construire l’amour ?
 
Dieu vous propose son sacrement
 
Face au constat de cette fragilité de la vie, la bonne nouvelle, c’est que Dieu nous propose son sacrement. Alors c’est quoi le sacrement du mariage?
Le sacrement du mariage, c’est une alliance entre 3 libertés, 3 vies, 3 amours, qui s’unissent pour être plus forts, c’est-à-dire pour qu’il y ait plus de libertés, plus de vies, plus d’amour !
On est là devant une consolidation extraordinaire d’un projet de vie. Parce que dans le panier, il y a un élément décisif : c’est Dieu et tout ce qu’il est : une liberté absolue, un amour infaillible et infini pour moi (la charité), une fidélité éternelle. Ce qui est faillible dans le panier, c’est moi. Mais grâce au sacrement, je vais me trouver porté, dynamisé, boosté, relancé constamment par le Seigneur, qui est là pour consolider l’engagement que je prends vis-à-vis de mon époux ou de mon épouse. Le jour de notre mariage est consolidé le lien entre nous, les époux, grâce à DIEU, parce que Dieu nous aime !
Le mariage catho, c’est la roll’s du lien !
Je voudrais citer le pape Benoît XVI dans sa très belle encyclique « Deus Caritas est ».
« Nous avons cru à l’amour de Dieu: c’est ainsi que le chrétien peut exprimer le choix fondamental de sa vie.
À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive. »
 
Mais ce lien consolidé est à poursuivre dans sa construction. Tout n’est pas fait le jour du mariage. Un sacrement, ce n’est pas quelque chose de magique, qu’on demanderait et qu’on subirait, et qui nous tiendrait malgré nous. On n’est pas dans une vision païenne des relations entre Dieu et l’homme. Le sacrement du mariage, c’est l’engagement réaliste des libertés, telles qu’elles sont, pour établir et vivre une relation au jour le jour. 
Je l’ai dit : dans la célébration de ce sacrement, Dieu prend un engagement vis-à-vis de moi. Il établit une relation unique entre moi et Lui. Il établit également une relation unique entre notre couple et Lui. Et le jour de mon mariage, je prends aussi un engagement vis-à-vis de Dieu. Nous –le nous du couple- prenons l’engagement d’entretenir une relation durable avec Lui. C’est bien une Alliance. Au cours de notre vie, qu’allons nous faire pour tisser des liens avec Dieu? Autres questions pour des champions, à ne pas négliger, please… c’est vital… merci…
 
C’est une Alliance qui repose sur la foi. L’attitude vitale que je dois avoir le jour de mon mariage, et vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis de mon conjoint, c’est de croire en eux, d’espérer en eux, et de les aimer. Croire, espérer, aimer, trois attitudes d’ouverture qui permettent de sceller l’Alliance et de la vivre tout au long de sa vie.
On voit là comment un engagement nous forme humainement, forme nos attitudes, nous éduque intérieurement. Et il s’agira de croire, même quand ce que nous percevrons semblera à l’opposé de cette confiance. Il y a un combat spirituel à vivre. Quand je serai devant une crasse commise par mon conjoint, je devrai continuer à croire, à espérer, à aimer. C’est pas facile, mais c’est vital !
Car, et c’est vrai et de Dieu et de mon conjoint, si je ne crois plus en lui, si je n’espère plus rien de lui, si je ne l’aime plus, ma vie n’a plus de sens. Elle est foutue ! L’Alliance est morte. Voyez l’enjeu de se forger ces attitudes humaines et spirituelles pour vivre l’Alliance. On voit bien là que dans ce lien qui va vous unir, il y a un enjeu spirituel extraordinaire.
Et il y a une lutte à mener contre ce qui est un véritable cancer qui affecte toutes mes relations structurantes : le péché. Le péché, ce n’est pas simplement le mal moral discerné par la conscience humaine. Le péché, c’est une notion religieuse qui signifie cette réalité spirituelle qui use progressivement la relation, la détruit petit à petit : relation avec Dieu, avec mon prochain, avec moi-même : exemple : l’orgueil, l’égoïsme, la suffisance, la malveillance, la soif de pouvoir et de richesse et la volonté de domination, …. Etc…. Le péché, c’est la mise en enfer de la relation.
J’ai donc besoin d’être sauvé dans mon humanité du péché qui tue l’amour en moi. Comme je l’ai dit précédemment, la relation est vivifiée, dynamisée par l’amour. C’est le carburant de la relation. Le péché au contraire détruit cet amour. C’est la rouille qui attaque le réservoir pour qu’il y ait fuite et panne sèche.
Il y a un combat à vivre, à mener. Comment mener la lutte ? Je ne peux pas y arriver seul! Si je suis un peu lucide sur moi-même, j’ai besoin d’un surcroît d’amour!
Mais bonne nouvelle. Je ne suis pas seul: le Christ mène le combat avec moi. Seul le contact prolongé avec le Christ, victorieux du péché et de la mort, source d’amour et de lumière, peut me purifier et me remettre debout à chaque fois que je ne suis pas à la hauteur de l’amour que je devrais vivre! D’où les sacrements comme l’eucharistie qui sont comme les pompes à essence sur l’autoroute de ma vie.
Je voudrais vous citer encore Benoît XVI à propos du Christ.
« Sa mort fut un acte d’amour. Au cours de la dernière Cène, Il a anticipé sa mort et Il l’a transformée en don de soi. Sa communion existentielle avec Dieu était concrètement une communion existentielle avec l’amour de Dieu, et cet amour est la vraie puissance contre la mort, il est plus fort que la mort. La résurrection fut comme une explosion de lumière, une explosion de l’amour… » Benoît XVI, homélie veillée pascale 2006
 
 
Je vous ai dit que le sacrement est une alliance indéfectible, pas un contrat. Qu’est-ce qui distingue l’Alliance du contrat ? Le concubinage, le pacs, le mariage civil sont des contrats plus ou moins explicites. Ces liens plus ou moins officiels reposent sur des clauses qu’on peut dénoncer : « tant que tu fais ci et que tu es comme ça, ça tient. Si ça change, on renégocie ou on se quitte. » Précisions: quand on a tissé des liens, la séparation équivaut au moins à deux ans de dépression (minimum). On ne refait jamais sa vie, on la poursuit comme on peut, avec son histoire blessée.
L’Alliance sacramentelle est fondée sur le don irrévocable entre personnes. Dans un mariage catholique, on décide librement, volontairement de se donner à l’autre pour toujours, sans condition aucune. Vous connaissez le proverbe : donnez, c’est donner, reprendre c’est voler.
 
Mais on peut se demander si on n’est pas un peu fou de choisir l’alliance plutôt que le contrat, qui semble quand même moins contraignant puisqu’on peut reprendre ses billes à tout moment?
Alors il suffit de se poser une petite question toute simple: à votre avis, qui m’aime le plus, qui me respecte le plus ? Celui ou celle qui me dit : « je t’aime à l’essai, sans engagement, sous contrat en CDD pour trois mois, et puis après on verra. » Ou celui ou celle qui me dit : « je décide de t’aimer pour toujours, quoi qu’il arrive, et je me donne à toi définitivement, quoi qu’il m’en coûte. » ça, c’est l’alliance. Ça c’est le prix de l’amour. C’est votre amour, et dans le fond, croyez moi, c’est le désir de tout un chacun. Un amour qui n’a pas de promesse éternel n’est qu’un égoïsme qui ne dit pas son nom. Il est fondé sur la peur de l’autre, sur l’incapacité à s’engager, sur un manque de maturité qui le voue à l’échec.
L’amour forfait -trois mois à l’essai -, déclare forfait.
 
Alors vous voulez vous marier chrétiennement ? Et bien vous avez raison. Ce mariage ne peut être qu’un vrai mariage d’amour, fondé sur la liberté et l’engagement réciproque. Il suppose une maturité.
Un mariage chrétien ne peut être le fruit que d’une décision libre. « Ma liberté, la voici: je prends la décision de t’épouser et j’assume cette décision jusqu’au bout, de façon libre et responsable, quoi qu’il arrive. » En régime chrétien le mariage n’est pas subi comme un devoir « naturel » ou une obligation, il est choisi comme une vocation, parmi les vocations. En effet, dans l’Eglise, comme le célibat qui doit être choisi sans contrainte pour celui qui a une vocation à se consacrer à Dieu et à ses frères en humanité, le mariage doit être choisi et non subi. Je sais bien que les choses sont mélangées, mais si le lien entre deux personnes n’est que le fruit d’une pression extérieure (familiale, sociale, culturelle, économique) ou intérieure (peur d’être seule et de s’assumer, manque de maturité (incapacité de se décider vraiment), appât du gain ou désir d’une situation confortable, incapacité à maîtriser ses passions et ses pulsions sexuelles, soumission à l’autre qui nous domine psychologiquement…etc..), il n’est pas libre.
 
 Pour savoir quelle est votre réelle liberté devant l’engagement que vous allez prendre, il faut mesurer et distinguer de quel amour vous vivez. Il y a en effet différents degrés dans l’amour. Pour simplifier, j’en vois deux: l’amour passion (EROS) et l’amour don (AGAPE). Tous les deux sont nécessaires, mais le plus important, c’est l’amour don. Si l’amour don vous guide, vous êtes prêts à vivre le sacrement du mariage.
 
Description :
L’amour passion, l’Eros = désir intense qui s’impose, qui cherche l’ivresse, la satisfaction des sens, désir et joie de posséder pour soi.
Amour tourné vers soi.
L’amour don, Agapé = désir fort de combler autrui, de tout faire pour son bonheur, joie de tout donner, de se renoncer si nécessaire et de se sacrifier pour le bien de l’autre.                        Amour tourné vers l’autre
 
L’amour passion passe. Le flash, le senti n’est pas suffisant. Un vieux jésuite disait même: le senti ment…Ce n’est pas toujours exact, mais la passion est loin d’être suffisante pour construire un mariage solide et sacramentel. C’est important, car il y a des époques dans la vie où on peut ne plus éprouver de sentiments pour son conjoint, et même en éprouver pour sa secrétaire ou son banquier…. Danger…. Périodes très difficiles, qui sont souvent à l’origine de rupture si l’amour qu’on a tissé se fonde exclusivement sur la passion. Périodes de purification de l’amour qui nous permettent de choisir et de grandir dans la liberté de l’amour-don. L’amour a un prix. L’engagement, la liberté responsable ont un prix. Si je l’accepte, je décide de réussir ma vie et de lui donner de la valeur, du prix.
Jésus nous dit: « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour celui qu’on aime. » L’amour, le vrai, le solide, celui que je dois identifier pour savoir si je peux m’engager dans le mariage, se vérifie dans la volonté de me donner pour toujours.
Le don exige naturellement la fidélité, une fidélité qui m’engage complètement. Thérèse de l’enfant Jésus disait : « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même ». Le signe de l’amour, c’est l’absolu.
Benoît XVI nous dit :
« Sa promesse vise à faire du définitif : l’amour vise à l’éternité » Oui, l’amour est «extase», mais extase non pas dans le sens d’un moment d’ivresse, mais extase comme chemin, comme exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi. » n°6
Est-ce que je ne fais pas ce constat que je ne suis jamais plus heureux que quand je suis tout à l’autre?
 
IMPERATIF: Au dessus de votre lit conjugal, écrivez au couteau sur un morceau de bois : amour = don
 
            Mais pas seulement : aimer, c’est aussi avoir savoir accueillir, faire une place à mon conjoint, l’accueillir et le recevoir, et recevoir ce qu’il est, parce que c’est un bienfait pour moi. C’est très très important, au point où dans la formule même par laquelle vous vous marierez, (à apprendre par cœur), il est dit en premier : « je te reçois comme époux (épouse), et je me donne à toi pour t’aimer fidèlement…etc… » 
            Je reçois l’autre, c’est formidable. Quel appui pour ma vie ! Je ne suis pas seule.                
Mais allons plus loin maintenant que je vous ai désigné comme priorité l’Amour Don, l’AGAPE.
Benoît XVI nous invite à vivre l’intégration.
 
« L’amour est une réalité unique, mais avec des dimensions différentes; tour à tour, l’une ou l’autre dimension peut émerger de façon plus importante. Là où cependant les deux dimensions se détachent complètement l’une de l’autre, apparaît une caricature ou, en tout cas, une forme réductrice de l’amour. » n°8
 
Vivre l’amour intégral, c’est vivre l’intégration de l’eros et de l’agape dans l’unité de ma personne => là je tends vers le BONHEUR.
 
Benoît XVI précise son propos. Il nous dit :
 
« Si, initialement, l’eros est surtout sensuel, ascendant – fascination pour la grande promesse de bonheur –, lorsqu’il s’approche ensuite de l’autre, il se posera toujours moins de questions sur lui-même, il cherchera toujours plus le bonheur de l’autre, il se préoccupera toujours plus de l’autre, il se donnera et il désirera «être pour» l’autre. C’est ainsi que le moment de l’agapè s’insère en lui ; sinon l'eros déchoit et perd aussi sa nature même. D’autre part, l’homme ne peut pas non plus vivre exclusivement dans l’amour oblatif, descendant. Il ne peut pas toujours seulement donner, il doit aussi recevoir. Celui qui veut donner de l’amour doit lui aussi le recevoir comme un don. L’homme peut assurément, comme nous le dit le Seigneur, devenir source d’où sortent des fleuves d’eau vive (cf. Jn 7, 37-38). Mais pour devenir une telle source, il doit lui-même boire toujours à nouveau à la source première et originaire qui est Jésus Christ! » n°7
 
Deux équations, deux choix possible:
 
·        EROS + AGAPE = Amour vivant et en croissance
·        EROS // AGAPE = Mort de l’Amour
 
 
 
Alors c’est quoi l’amour ?
L’amour dont vous vivez est comme une énergie intérieure formidable, qui vous lie l’un à l’autre et vous pousse à construire votre vie ensemble, en donnant la priorité au bonheur de votre conjoint,  et en ayant le souci de vous ressourcer constamment. Si chacun considère l’autre comme plus important que soi, votre amour, il est béton et il va grandir de façon exponentielle si vous y mettez le carburant de l’AGAPE.
Le constat que vous faites sûrement est que l’amour en vous est vraiment mystérieux. D’où vient-il? Comment se fait-il que je puisse comme ça donner ma vie à quelqu’un, mais c’est fou ? Pourquoi toi et moi ensemble pour la vie? Est-ce le hasard, mais peut-on aimer par hasard? Le chrétien n’a pas d’autres réponses que celle de sa foi: «Dieu est Mystère et Amour-AGAPE. Il est ce Père bienveillant à mon égard, qui veut vraiment mon bonheur. Par fidélité à ce qu’il EST au plus profond de Lui-même, il a déposé de l’amour dans mon cœur et le tien. Et s’il l’a fait, c’est qu’Il sait que nous pouvons nous aimer librement et en vérité jusqu’au bout de notre vie. Et que notre chemin pourra être un chemin de croissance et de bonheur. Et bien quel roc, quel rocher pour ma vie de savoir cela!»
 
Aux non-croyants que je respecte vraiment, je dis que vous aurez beau dressé la liste de toutes les qualités de votre conjoint et en faire la somme en soustrayant les défauts, pour y trouver les raisons de votre amour, vous n’y arriverez pas. On peut toujours trouver quelqu’un d’autre qui a plus de qualités. Donc on a aucune raison de s’engager pour toujours si ce sont les qualités du conjoint qui sont déterminantes.
 
Et ça c’est la logique de l’amour découvert grâce à la foi chrétienne : l’amour que vous devez avoir pour votre conjoint est un amour à l’image de celui que Dieu a pour nous. Il doit se baser sur la personne, et non sur ses qualités (ou ses défauts). Je ne t’aime pas comme j’aime mon sandwich qui est bon. C’est toi que j’aime, pas d’abord tes qualités. C’est important car tout évolue. J’épouse quelqu’un. Je me donne à quelqu’un qui va changer, mais qui sera toujours le même à aimer.
 
L’amour fondé sur le don réciproque, corps et cœur débouche sur le don de la vie: vos enfants seront le fruit du sacrement d’amour qui vous lie à Dieu, Créateur et Source de toute vie. C’est l’une des missions du couple que de former une famille où est accueilli le don de la Vie. Vous devenez procréateurs avec le Créateur, formés à son image. C’est une dignité et une responsabilité incroyable.
 
Et du coup la sexualité prend une dimension sacramentale: elle permet non seulement l’ouverture au conjoint, mais aussi l’ouverture à Dieu, et l’ouverture à la vie quand elle est vécue pleinement.
 
L’Eglise n’a pas du tout une vision négative de la sexualité. Mais elle a une vision sacramentale, c’est-à-dire que la sexualité n’est pas vue exclusivement comme le moyen d’assouvir une passion (eros), mais comme le moyen propre, unique, exclusif aux époux de créer et de favoriser des relations. J’ai une relation sexuelle avec mon épouse ou mon époux pour favoriser notre relation unique, privilégiée de couple, que je ne peux vivre qu’avec mon époux. Et je peux parfois m’abstenir parce que ça ne favoriserait pas cette relation. Et je peux parfois aussi me donner à l’autre alors que je n’en ai pas envie parce que je sens que pour l’autre c’est important (la chasteté, c’est ça). Vous voyez cette vision ouverte sur l’autre, sur la relation. Et la passion et la jouissance et le plaisir des corps et des cœurs que je peux éprouver sont profondément bons parce qu’ils servent alors et mon bien et surtout cette ouverture à mon conjoint, la construction de cette relation unique, intime, profonde, exclusive qui existe dans le couple.
Et parce que je me suis engagé vis-à-vis de Dieu dans le mariage, cette relation sexuelle sera le signe, exprimera l’amour fou de Dieu, intime, communiel, particulier, son amour infiniment sponsal pour l’Eglise et pour l’humanité.
 Au cœur de cette relation sexuelle, je bénéficierai donc de cet amour qui vient de Dieu qu’on appelle l’agape ou encore la charité. Ça c’est une vision sacramentale de la sexualité. C’est la vision hyper positive de l’Eglise que j’ai résumé dans ce tableau. Relisons le ensemble.
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Une sexualité sacramentale = relation intégrale et intégratrice, ouverte à toutes les dimensions de mon être.
 
·        corps et esprit « conjugalisés » (unité de la personne réalisée dans l’ouverture au conjoint)
·        Eros + AGAPE (intégration= la jouissance est au service (favorise) de la connaissance du conjoint de l’autre sexe (finalité). En étant vraiment réaliste, l’union sexuelle (des sexes) ne peut être « qu’hétéro ». Elle est faite pour découvrir l’autre, dans sa différence physique et spirituelle)
·        Développement de toutes mes relations intimes structurantes: ouverture à mon conjoint, à Dieu (AGAPE), à moi-même
·        Tous les fruits de la relation: croissance de l’unité du couple, joie et jouissance partagées, vie affective stabilisée et renforcée, ouverture à la vie (croissance potentielle et maîtrisée de la famille), croissance de l’intériorité (notre vie spirituelle) => influence positive sur notre projet de vie
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J’insiste là-dessus parce que c’est la culture hédoniste dans laquelle nous sommes qui nous impose cette pensée très réductrice que la sexualité ne serait faite que pour sa propre jouissance, détachée donc de la relation à l’autre, dans une perspective très individualiste. Pour faire simple, je dirai : « Je peux coucher avec à peu près tout le monde parce que je n’ai aucune relation stable avec personne. En fait, je ne crée pas de relation, ou trop éphémère » De fait, cette culture renvoie constamment l’individu à lui-même au lieu de l’ouvrir à l’autre, au lieu de l’aider à construire une relation privilégiée avec autrui : mais alors faut-il encore qu’il se marie si il a cette vision des choses?
 
Là aussi je vous ai fait un tableau pour résumer cette vision de la sexualité dans notre culture. Relisons le ensemble :
 
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Une sexualité schizophrène = relation partielle et réductrice, fermée à certaines dimensions de mon être
 
·        Le corps coupé de l’esprit (déshumanisation, instrumentalisation du corps (il n’est plus moi, il est à moi); logique marchande : le corps devient un produit de consommation courante)
·        Seul Eros compte // AGAPE (jouissance déconnectée de la relation à autrui)
·        Développement d’une relation excessive à soi au détriment de mon «partenaire» (quel qu’il soit: il a peu d’importance et peut être changé. Il n’est plus un conjoint, mais un partenaire. => la relation est non stable; elle n’est plus considérée que comme un jeu « sans conséquence » (pas de projet de vie)), coupé de Dieu (indifférence presque totale: intériorité vide et creuse, malaise profond => recherche de compensation à travers les psychotropes et autres substances dangereuses… pour oublier)
·        Les fruits de la relation? Régression du « couple »(=> duo), fermeture à la vie (population vieillie), individualisme renforcé, amertume (=le sexe triste, qui n’est plus reconnu comme lieu privilégié d’intégration de la différence interpersonnelle; crise de la relation d’altérité (masculin/féminin), fondatrice du projet social dont la famille est la première cellule=> ruptures et divorces, développement de l’homosexualité, bisexualité, transsexualité… pratiques échangistes et SM, prostitution…= pâle imitation et recherche désespérée de la vie conjugale)                                                                      
     => seule l’expérience compte au détriment de la construction du projet de vie
 
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Au bilan, dans notre société hédoniste qui n’est plus chrétienne du tout, vous avez :
 
·        Un individualisme exacerbé à tous les niveaux de la vie sociale: la toute puissance du MOI engendre l’abandon de l’éducation humaine de la personne (quid de la culture et de la civilisation?) au profit du bien-être immédiat et de la jouissance individuelle (recherche épuisante). La relation à autrui n’est plus construite. Elle est déstructurée et déstructurante=> maladies psychiques
 
·        30% des personnes en âge de se marier sont célibataires, n’ont pas choisi de l’être, et se trouvent en situation de précarité affective. 30%, et malheureusement ce chiffre est en augmentation. On voit bien là l’échec social d’une culture qui se base exclusivement sur l’hédonisme et qui tue en vérité la relation au lieu de la favoriser, qui tue toute l’éducation à la relation, bien qu’elle se gausse d’être plus communicante et d’être plus libérée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes!
 
·        J’ajoute que la pauvreté a augmenté considérablement dans les « familles dites monoparentales », c’est-à-dire que ce sont les femmes seules avec enfants qui font les frais de cette logique qui casse le relationnel, qui détache la fonction sexuelle de son but qui est la relation. Tout cela se traduit par un manque de protection et de respect de la femme dont on ne voit plus que le corps idéalisé + une déstructuration éducative et affective chez les enfants dont la violence augmente.
 
·        D’autres chiffres qui sont le fruit de notre société hédoniste et qui peut-être vous font peur: 1 mariage civil sur 3 ou 2 se termine par un divorce avec l’augmentation des violences conjugales et de la maltraitance des enfants.
 
Mais ce qu’on se garde bien de vous dire, ce que ce n’est pas le cas pour le mariage religieux: les statistiques donnent 1 mariage sur 7. Petite différence…. Évidemment… et on peut se poser la question: pour quelle raison ces chiffres? Est-ce parce que les personnes qui s’engagent dans un mariage religieux sont meilleures que les autres? Non, bien sûr… mais alors pourquoi?
Peut-être tout simplement parce qu’on a un tiers qui nous échappe et qu’on n’a pas encore réussi à mettre dans les statistiques de nos ordinateurs…. Ou peut-être parce que le plus grand tabou dans notre société, ce n’est plus le sexe, mais Dieu!!!! … surtout évitons d’en parler, ça pourrait nous aider à réussir notre vie…. pschutt’ …
 
Le jour de votre mariage, Dieu vous apportera son amour divin, sa charité. Il est la source de l’amour. Le sacrement, c’est votre amour dans un surcroît d’amour divin. Vivez le à fond, c’est le grand conseil du jour !
 
Un mot sur l’enfant ! Un petit mot encore sur l’accueil de la vie. L’enfant est le cadeau le plus précieux du couple. C’est un don, un cadeau de Dieu, pas un droit. Oui, je peux désirer avoir des enfants, mais je n’ai pas de droit exigible à l’enfant : parce que l’enfant n’est pas une chose exigible, mon esclave. L’enfant c’est un être humain à part entière qui a toute sa dignité et tout son mystère. L’enfant n’est pas programmable et maîtrisable selon mon désir tout puissant. Et vous allez très vite le comprendre. Il y a là encore une illusion de notre société marchande et hédoniste qui nous fait croire qu’on peut tout avoir tout de suite selon notre désir : « comme je veux quand je veux ». J’ajoute il n’y a pas deux enfants strictement identiques, même jumeaux.
Le baptême rappelle cette dignité de l’enfant, qui est à l’image de Dieu et qui est fait fils ou fille de Dieu au cours de la célébration. Détail important aussi pour vous: le baptême des petits enfants est possible jusqu’à l’âge de 3 ans. Après, jusqu’à 7 ans, ce n’est plus possible. Par expérience, à partir de deux ans, ça commence à être très sportif pour le baptiser. On comprend que l’Eglise sursoit au baptême jusqu’à 7 ans, l’âge de raison.
Le Seigneur vous donnera vos enfants comme un cadeau extraordinaire qui va changer votre vie. Quand l’enfant sera accueilli, vous allez changer de statut. Vous allez surtout vous en rendre compte quand vous aurez le premier. Vous étiez l’un pour l’autre époux et épouse. Vous allez devenir à présent papa et maman. Ça change beaucoup de chose. Ça change la voiture peut-être mais pas seulement. Ça change surtout votre responsabilité. Votre responsabilité sera d’éduquer cet enfant. Eduquer, ça vient du latin et ça veut dire conduire, mener à. Vous aurez la charge de mener votre enfant à l’âge adulte, faire de lui un adulte. C’est quoi un adulte ? Un adulte, c’est quelqu’un qui est capable d’engager sa vie et de tenir sa parole jusqu’au bout. C’est celui qui est mûr. Votre rôle d’éducateur, c’est un rôle hyper important où vous allez construire votre enfant, son univers, pour qu’il devienne un homme ou une femme debout, capable de s’engager à son tour. L’Eglise vous demande d’éduquer vos enfants. Malheureusement dans notre culture hédoniste et égoïste, on confond l’éducation et le bien être : « Pourvu que mon petit soit bien et qu’il ait tout ce qu’il faut »… je le mets en couveuse. Et comme dit Guy Gilbert, le prêtre des loubards qui sait ce à quoi conduit l’absence d’éducation, « un jour il vous crachera à la gueule ». Eduquer, c’est transmettre une façon de vivre qui façonne l’être humain non pas pour qu’il ait tout mais pour qu’il devienne bon, intelligent, serviable, humain, ouvert, capable de se donner, capable de se dépasser, capable d’aimer en vérité, d’être juste, d’être fidèle, d’être soutien pour les autres… etc…etc… Si vous avez besoin d’un bon manuel pour éduquer, je vous conseille l’Evangile de Jésus-Christ et de regarder ce personnage qu’est le Christ. Là vous avez un modèle d’humanité sûre et épanouissant.
Un arbre jeune qui n’a pas de tuteur est un arbre qui ne poussera pas droit. Il ne suffit pas de lui filer son steack frites qu’il aime tant, de lui offrir la dernière console de jeux XBox 360, PSP ou gameboy DS pour avoir l’impression qu’on a éduqué son gamin. On vient juste de le renforcer dans son égoïsme. Eduquer, c’est affronter le refus. C’est pénible de rappeler la règle et de la vivre d’abord. Mais c’est moins coûteux de foutre en l’air toute une vie, faute de racine et de capacités intérieures. Excusez moi de vous dire tout cela mais votre génération à cet enjeu à vivre. J’ajoute qu’il y a une intériorité à construire également. Et l’Eglise vous demande d’aider votre enfant à construire son intériorité en développant chez lui l’esprit de prière, la foi l’espérance et l’amour et en le conduisant à découvrir Celui sur qui il pourra faire reposer sa vie entière : le Christ ! L’Eglise vous aidera.
 
En résumé, un petit tableau encore pour redire ce que signifie le sacrement du mariage :
 
 
Deux personnes qui s’aiment
sont la preuve visible que
Dieu aime le monde et veut le bonheur des hommes
Deux personnes qui s’épousent pour la vie
rappellent au monde que
Dieu veut épouser l’humanité pour l’éternité
La petite alliance qu’ils mettent à leur doigt
évoque
la grande alliance que Dieu veut faire avec l’homme dans son Fils
Les petites noces terrestres, le sacrement du mariage
annoncent
les noces grandioses de l’éternité, les noces du Christ et de l’Eglise
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Note de l’auteur : vous pouvez abondamment utiliser ce texte… mais qu’il reste gratuit. Merci !
© Copyright 2006 – Dominique THIRY+
 
 
 
 
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27 avril 2006 4 27 /04 /avril /2006 20:46
 
LETTRE ENCYCLIQUE
DEUS CARITAS EST
DU SOUVERAIN PONTIFE
BENOÎT XVI
AUX ÉVÊQUES
AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES
AUX PERSONNES CONSACRÉES
ET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS
SUR L'AMOUR CHRÉTIEN
Première partie
INTRODUCTION
1. «Dieu est amour : celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu en lui» (1 Jn 4, 16). Ces paroles de la Première Lettre de saint Jean expriment avec une particulière clarté ce qui fait le centre de la foi chrétienne: l’image chrétienne de Dieu, ainsi que l'image de l'homme et de son chemin, qui en découle. De plus, dans ce même verset, Jean nous offre pour ainsi dire une formule synthétique de l’existence chrétienne : «Nous avons reconnu et nous avons cru que l’amour de Dieu est parmi nous».
Nous avons cru à l’amour de Dieu: c’est ainsi que le chrétien peut exprimer le choix fondamental de sa vie. À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive. Dans son Évangile, Jean avait exprimé cet événement par ces mots : «Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui [...] obtiendra la vie éternelle» (3, 16). En reconnaissant le caractère central de l’amour, la foi chrétienne a accueilli ce qui était le noyau de la foi d’Israël et, en même temps, elle a donné à ce noyau une profondeur et une ampleur nouvelles. En effet, l’Israélite croyant prie chaque jour avec les mots du Livre du Deutéronome, dans lesquels il sait qu’est contenu le centre de son existence : «Écoute, Israël: le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force» (6, 4-5). Jésus a réuni, en en faisant un unique précepte, le commandement de l’amour de Dieu et le commandement de l’amour du prochain, contenus dans le Livre du Lévitique : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même» (19, 18 ; cf. Mc 12, 29-31). Comme Dieu nous a aimés le premier (cf. 1 Jn 4, 10), l’amour n’est plus seulement un commandement, mais il est la réponse au don de l'amour par lequel Dieu vient à notre rencontre.
Dans un monde où l’on associe parfois la vengeance au nom de Dieu, ou même le devoir de la haine et de la violence, c’est un message qui a une grande actualité et une signification très concrète. C’est pourquoi, dans ma première Encyclique, je désire parler de l’amour dont Dieu nous comble et que nous devons communiquer aux autres. Par là sont ainsi indiquées les deux grandes parties de cette Lettre, profondément reliées entre elles. La première aura un caractère plus spéculatif, étant donné que je voudrais y préciser – au début de mon Pontificat – certains éléments essentiels sur l'amour que Dieu, de manière mystérieuse et gratuite, offre à l'homme, de même que le lien intrinsèque de cet Amour avec la réalité de l'amour humain. La seconde partie aura un caractère plus concret, puisqu'elle traitera de la pratique ecclésiale du commandement de l'amour pour le prochain. La question est très vaste, un long développement dépasserait néanmoins le but de cette Encyclique. Je désire insister sur certains éléments fondamentaux, de manière à susciter dans le monde un dynamisme renouvelé pour l'engagement dans la réponse humaine à l'amour divin.

PREMIÈRE PARTIE
L'UNITÉ DE L'AMOUR
DANS LA CRÉATION
ET DANS L'HISTOIRE DU SALUT

Un problème de langage
2. L'amour de Dieu pour nous est une question fondamentale pour la vie et pose des interrogations décisives sur qui est Dieu et sur qui nous sommes. À ce sujet, nous rencontrons avant tout un problème de langage. Le terme «amour» est devenu aujourd'hui un des mots les plus utilisés et aussi un des plus galvaudés, un mot auquel nous donnons des acceptions totalement différentes. Même si le thème de cette encyclique se concentre sur le problème de la compréhension et de la pratique de l’amour dans la Sainte Écriture et dans la Tradition de l’Église, nous ne pouvons pas simplement faire abstraction du sens que possède ce mot dans les différentes cultures et dans le langage actuel.
Rappelons en premier lieu le vaste champ sémantique du mot «amour» : on parle d’amour de la patrie, d’amour pour son métier, d’amour entre amis, d’amour du travail, d’amour entre parents et enfants, entre frères et entre proches, d’amour pour le prochain et d’amour pour Dieu. Cependant, dans toute cette diversité de sens, l’amour entre homme et femme, dans lequel le corps et l’âme concourent inséparablement et dans lequel s’épanouit pour l’être humain une promesse de bonheur qui semble irrésistible, apparaît comme l’archétype de l’amour par excellence, devant lequel s’estompent, à première vue, toutes les autres formes d’amour. Surgit alors une question : toutes ces formes d’amour s'unifient-elles finalement et, malgré toute la diversité de ses manifestations, l’amour est-il en fin de compte unique, ou bien, au contraire, utilisons-nous simplement un même mot pour indiquer des réalités complètement différentes ?
«Eros» et «agapè» – différence et unité.
3. À l’amour entre homme et femme, qui ne naît pas de la pensée ou de la volonté mais qui, pour ainsi dire, s’impose à l’être humain, la Grèce antique avait donné le nom d’eros. Disons déjà par avance que l'Ancien Testament grec utilise deux fois seulement le mot eros, tandis que le Nouveau Testament ne l'utilise jamais: des trois mots grecs relatifs à l’amour – eros, philia (amour d’amitié) et agapè – les écrits néotestamentaires privilégient le dernier, qui dans la langue grecque était plutôt marginal. En ce qui concerne l'amour d'amitié (philia), il est repris et approfondi dans l’Évangile de Jean pour exprimer le rapport entre Jésus et ses disciples. La mise de côté du mot eros, ainsi que la nouvelle vision de l’amour qui s’exprime à travers le mot agapè, dénotent sans aucun doute quelque chose d’essentiel dans la nouveauté du christianisme concernant précisément la compréhension de l’amour. Dans la critique du christianisme, qui s’est développée avec une radicalité grandissante à partir de la philosophie des Lumières, cette nouveauté a été considérée d’une manière absolument négative. Selon Friedrich Nietzsche, le christianisme aurait donné du venin à boire à l’eros qui, si en vérité il n’en est pas mort, en serait venu à dégénérer en vice[1]. Le philosophe allemand exprimait de la sorte une perception très répandue : l’Église, avec ses commandements et ses interdits, ne nous rend-elle pas amère la plus belle chose de la vie ? N’élève-t-elle pas des panneaux d’interdiction justement là où la joie prévue pour nous par le Créateur nous offre un bonheur qui nous fait goûter par avance quelque chose du Divin ?
4. En est-il vraiment ainsi ? Le christianisme a-t-il véritablement détruit l’eros ? Regardons le monde pré-chrétien. Comme de manière analogue dans d’autres cultures, les Grecs ont vu dans l’eros avant tout l’ivresse, le dépassement de la raison provenant d'une «folie divine» qui arrache l’homme à la finitude de son existence et qui, dans cet être bouleversé par une puissance divine, lui permet de faire l’expérience de la plus haute béatitude. Tous les autres pouvoirs entre le ciel et la terre apparaissent de ce fait d’une importance secondaire : «Omnia vincit amor», affirme Virgile dans les Bucoliques – l’amour vainc toutes choses – et il ajoute : «Et nos cedamus amori» – et nous cédons, nous aussi, à l’amour[2]. Dans les religions, cette attitude s’est traduite sous la forme de cultes de la fertilité, auxquels appartient la prostitution «sacrée», qui fleurissait dans beaucoup de temples. L’eros était donc célébré comme force divine, comme communion avec le Divin.
L’Ancien Testament s’est opposé avec la plus grande rigueur à cette forme de religion, qui est comme une tentation très puissante face à la foi au Dieu unique, la combattant comme perversion de la religiosité. En cela cependant, il n’a en rien refusé l’eros comme tel, mais il a déclaré la guerre à sa déformation destructrice, puisque la fausse divinisation de l’eros, qui se produit ici, le prive de sa dignité, le déshumanise. En fait, dans le temple, les prostituées, qui doivent donner l’ivresse du Divin, ne sont pas traitées comme êtres humains ni comme personnes, mais elles sont seulement des instruments pour susciter la «folie divine»: en réalité, ce ne sont pas des déesses, mais des personnes humaines dont on abuse. C’est pourquoi l’eros ivre et indiscipliné n’est pas montée, «extase» vers le Divin, mais chute, dégradation de l’homme. Il devient ainsi évident que l’eros a besoin de discipline, de purification, pour donner à l’homme non pas le plaisir d’un instant, mais un certain avant-goût du sommet de l’existence, de la béatitude vers laquelle tend tout notre être.
5. De ce regard rapide porté sur la conception de l’eros dans l’histoire et dans le temps présent, deux aspects apparaissent clairement, et avant tout qu’il existe une certaine relation entre l’amour et le Divin: l’amour promet l’infini, l’éternité – une réalité plus grande et totalement autre que le quotidien de notre existence. Mais il est apparu en même temps que le chemin vers un tel but ne consiste pas simplement à se laisser dominer par l’instinct. Des purifications et des maturations sont nécessaires; elles passent aussi par la voie du renoncement. Ce n’est pas le refus de l’eros, ce n’est pas son «empoisonnement», mais sa guérison en vue de sa vraie grandeur.
Cela dépend avant tout de la constitution de l’être humain, à la fois corps et âme. L’homme devient vraiment lui-même, quand le corps et l’âme se trouvent dans une profonde unité ; le défi de l’eros est vraiment surmonté lorsque cette unification est réussie. Si l’homme aspire à être seulement esprit et qu’il veut refuser la chair comme étant un héritage simplement animal, alors l’esprit et le corps perdent leur dignité. Et si, d’autre part, il renie l’esprit et considère donc la matière, le corps, comme la réalité exclusive, il perd également sa grandeur. L’épicurien Gassendi s’adressait en plaisantant à Descartes par le salut: «Ô Âme !». Et Descartes répliquait en disant: «Ô Chair !»[3]. Mais ce n’est pas seulement l’esprit ou le corps qui aime : c’est l’homme, la personne, qui aime comme créature unifiée, dont font partie le corps et l’âme. C’est seulement lorsque les deux se fondent véritablement en une unité que l’homme devient pleinement lui-même. C’est uniquement de cette façon que l’amour – l'eros – peut mûrir, jusqu’à parvenir à sa vraie grandeur.
Il n’est pas rare aujourd’hui de reprocher au christianisme du passé d’avoir été l’adversaire de la corporéité; de fait, il y a toujours eu des tendances en ce sens. Mais la façon d'exalter le corps, à laquelle nous assistons aujourd’hui, est trompeuse. L’eros rabaissé simplement au «sexe» devient une marchandise, une simple «chose» que l’on peut acheter et vendre; plus encore, l'homme devient une marchandise. En réalité, cela n’est pas vraiment le grand oui de l’homme à son corps. Au contraire, l’homme considère maintenant le corps et la sexualité comme la part seulement matérielle de lui-même, qu’il utilise et exploite de manière calculée. Une part, d’ailleurs, qu'il ne considère pas comme un espace de sa liberté, mais comme quelque chose que lui, à sa manière, tente de rendre à la fois plaisant et inoffensif. En réalité, nous nous trouvons devant une dégradation du corps humain, qui n’est plus intégré dans le tout de la liberté de notre existence, qui n’est plus l’expression vivante de la totalité de notre être, mais qui se trouve comme cantonné au domaine purement biologique. L’apparente exaltation du corps peut bien vite se transformer en haine envers la corporéité. À l'inverse, la foi chrétienne a toujours considéré l’homme comme un être un et duel, dans lequel esprit et matière s’interpénètrent l’un l’autre et font ainsi tous deux l’expérience d’une nouvelle noblesse. Oui, l’eros veut nous élever «en extase» vers le Divin, nous conduire au-delà de nous-mêmes, mais c’est précisément pourquoi est requis un chemin de montée, de renoncements, de purifications et de guérisons.
6. Comment devons-nous nous représenter concrètement ce chemin de montée et de purification ? Comment doit être vécu l’amour, pour que se réalise pleinement sa promesse humaine et divine ? Nous pouvons trouver une première indication importante dans le Cantique des Cantiques, un des livres de l’Ancien Testament bien connu des mystiques. Selon l’interprétation qui prévaut aujourd’hui, les poèmes contenus dans ce livre sont à l’origine des chants d’amour, peut-être prévus pour une fête de noces juives où ils devaient exalter l’amour conjugal. Dans ce contexte, le fait que l’on trouve, dans ce livre, deux mots différents pour parler de l'«amour» est très instructif. Nous avons tout d’abord le mot «dodim», un pluriel qui exprime l’amour encore incertain, dans une situation de recherche indéterminée. Ce mot est ensuite remplacé par le mot «ahabà» qui, dans la traduction grecque de l’Ancien Testament, est rendu par le mot de même consonance «agapè», lequel, comme nous l’avons vu, devint l’expression caractéristique de la conception biblique de l’amour. En opposition à l’amour indéterminé et encore en recherche, ce terme exprime l’expérience de l’amour, qui devient alors une véritable découverte de l’autre, dépassant donc le caractère égoïste qui dominait clairement auparavant. L’amour devient maintenant soin de l’autre et pour l’autre. Il ne se cherche plus lui-même – l’immersion dans l’ivresse du bonheur – il cherche au contraire le bien de l’être aimé : il devient renoncement, il est prêt au sacrifice, il le recherche même.
Cela fait partie des développements de l'amour vers des degrés plus élevés, vers ses purifications profondes, de l'amour qui cherche maintenant son caractère définitif, et cela en un double sens : dans le sens d’un caractère exclusif – «cette personne seulement» – et dans le sens d’un «pour toujours». L’amour comprend la totalité de l’existence dans toutes ses dimensions, y compris celle du temps. Il ne pourrait en être autrement, puisque sa promesse vise à faire du définitif : l’amour vise à l’éternité. Oui, l’amour est «extase», mais extase non pas dans le sens d’un moment d’ivresse, mais extase comme chemin, comme exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi, et précisément ainsi vers la découverte de soi-même, plus encore vers la découverte de Dieu : «Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera» (Lc 17, 33), dit Jésus – une de ses affirmations qu’on retrouve dans les Évangiles avec plusieurs variantes (cf. Mt 10, 39; 16, 25; Mc 8, 35; Lc 9, 24; Jn 12, 25). Jésus décrit ainsi son chemin personnel, qui le conduit par la croix jusqu’à la résurrection; c’est le chemin du grain de blé tombé en terre qui meurt et qui porte ainsi beaucoup de fruit. Mais il décrit aussi par ces paroles l’essence de l’amour et de l’existence humaine en général, partant du centre de son sacrifice personnel et de l’amour qui parvient en lui à son accomplissement.
7. À l’origine plutôt philosophiques, nos réflexions sur l’essence de l’amour nous ont maintenant conduits, par une dynamique interne, jusqu’à la foi biblique. Au point de départ, la question s’est posée de savoir si les différents sens du mot amour, parfois même opposés, ne sous-entendraient pas une certaine unité profonde ou si, au contraire, ils ne devraient pas rester indépendants, l’un à côté de l’autre. Avant tout cependant, est apparue la question de savoir si le message sur l’amour qui nous est annoncé par la Bible et par la Tradition de l’Église avait quelque chose à voir avec l’expérience humaine commune de l’amour ou s’il ne s’opposait pas plutôt à elle. À ce propos, nous avons rencontré deux mots fondamentaux : eros, comme le terme désignant l’amour «mondain», et agapè, comme l’expression qui désigne l’amour fondé sur la foi et modelé par elle. On oppose aussi fréquemment ces deux conceptions en amour «ascendant» et amour «descendant». Il y a d’autres classifications similaires, comme par exemple la distinction entre amour possessif et amour oblatif (amor concupiscentiæamor benevolentiæ), à laquelle on ajoute parfois aussi l’amour qui n’aspire qu’à son profit.
Dans le débat philosophique et théologique, ces distinctions ont souvent été radicalisées jusqu'à les mettre en opposition entre elles : l’amour descendant, oblatif, précisément l’agapè, serait typiquement chrétien; à l'inverse, la culture non chrétienne, surtout la culture grecque, serait caractérisée par l’amour ascendant, possessif et sensuel, c’est-à-dire par l’eros.Si on voulait pousser à l’extrême cette antithèse, l’essence du christianisme serait alors coupée des relations vitales et fondamentales de l’existence humaine et constituerait un monde en soi, à considérer peut-être comme admirable mais fortement détaché de la complexité de l’existence humaine. En réalité, eros et agapè – amour ascendant et amour descendant – ne se laissent jamais séparer complètement l’un de l’autre. Plus ces deux formes d’amour, même dans des dimensions différentes, trouvent leur juste unité dans l’unique réalité de l’amour, plus se réalise la véritable nature de l’amour en général. Même si, initialement, l’eros est surtout sensuel, ascendant – fascination pour la grande promesse de bonheur –, lorsqu’il s’approche ensuite de l’autre, il se posera toujours moins de questions sur lui-même, il cherchera toujours plus le bonheur de l’autre, il se préoccupera toujours plus de l’autre, il se donnera et il désirera «être pour» l’autre. C’est ainsi que le moment de l’agapè s’insère en lui ; sinon l'eros déchoit et perd aussi sa nature même. D’autre part, l’homme ne peut pas non plus vivre exclusivement dans l’amour oblatif, descendant. Il ne peut pas toujours seulement donner, il doit aussi recevoir. Celui qui veut donner de l’amour doit lui aussi le recevoir comme un don. L’homme peut assurément, comme nous le dit le Seigneur, devenir source d’où sortent des fleuves d’eau vive (cf. Jn 7, 37-38). Mais pour devenir une telle source, il doit lui-même boire toujours à nouveau à la source première et originaire qui est Jésus Christ, du cœur transpercé duquel jaillit l’amour de Dieu (cf. Jn 19, 34).
Dans le récit de l’échelle de Jacob, les Pères ont vu exprimé symboliquement, de différentes manières, le lien inséparable entre montée et descente, entre l’eros qui cherche Dieu et l’agapè qui transmet le don reçu. Dans ce texte biblique, il est dit que le patriarche Jacob vit en songe, sur la pierre qui lui servait d’oreiller, une échelle qui touchait le ciel et sur laquelle des anges de Dieu montaient et descendaient (cf. Gn 28, 12; Jn 1, 51). L’interprétation que le Pape Grégoire le Grand donne de cette vision dans sa Règle pastorale est particulièrement touchante. Le bon pasteur, dit-il, doit être enraciné dans la contemplation. En effet, c’est seulement ainsi qu’il lui sera possible d’accueillir les besoins d’autrui dans son cœur, de sorte qu’ils deviennent siens: «Per pietatis viscera in se infirmitatem caeterorum transferat»[4]. Dans ce cadre, saint Grégoire fait référence à saint Paul qui est enlevé au ciel jusque dans les plus grands mystères de Dieu et qui, précisément à partir de là, quand il en redescend, est en mesure de se faire tout à tous (cf. 2 Co 12, 2-4; 1 Co 9, 22). D’autre part, il donne encore l’exemple de Moïse, qui entre toujours de nouveau dans la tente sacrée, demeurant en dialogue avec Dieu, pour pouvoir ainsi, à partir de Dieu, être à la disposition de son peuple. «Au-dedans [dans la tente], ravi dans les hauteurs par la contemplation, il se laisse au dehors [de la tente] prendre par le poids des souffrants: Intus in contemplationem rapitur, foris infirmantium negotiis urgetur».[5]
8.Nous avons ainsi trouvé une première réponse, encore plutôt générale, aux deux questions précédentes : au fond, l’«amour» est une réalité unique, mais avec des dimensions différentes; tour à tour, l’une ou l’autre dimension peut émerger de façon plus importante. Là où cependant les deux dimensions se détachent complètement l’une de l’autre, apparaît une caricature ou, en tout cas, une forme réductrice de l’amour. D’une manière synthétique, nous avons vu aussi que la foi biblique ne construit pas un monde parallèle ou un monde opposé au phénomène humain originaire qui est l’amour, mais qu’elle accepte tout l’homme, intervenant dans sa recherche d’amour pour la purifier, lui ouvrant en même temps de nouvelles dimensions. Cette nouveauté de la foi biblique se manifeste surtout en deux points, qui méritent d’être soulignés: l’image de Dieu et l’image de l’homme.
La nouveauté de la foi biblique
9. Il s’agit avant tout de la nouvelle image de Dieu. Dans les cultures qui entourent le monde de la Bible, l’image de Dieu et des dieux reste en définitive peu claire et en elle-même contradictoire. Dans le parcours de la foi biblique, à l’inverse, on note que devient toujours plus clair et plus univoque ce que la prière fondamentale d’Israël, le shema, reprend par ces paroles : «Écoute, Israël: le Seigneur notre Dieu est l’Unique» (Dt 6, 4). Il existe un seul Dieu, qui est le Créateur du ciel et de la terre, et qui est donc aussi le Dieu de tous les hommes. Deux éléments sont singuliers dans cette précision : le fait que, en vérité, tous les autres dieux ne sont pas Dieu, et que toute la réalité dans laquelle nous vivons remonte à Dieu, qu’elle est créée par lui. Naturellement, l’idée d’une création existe aussi ailleurs, mais c’est là seulement qu’apparaît de manière absolument claire que ce n’est pas un dieu quelconque, mais l’unique vrai Dieu, lui-même, qui est l’auteur de la réalité tout entière; cette dernière provient de la puissance de sa Parole créatrice. Cela signifie que sa créature lui est chère, puisqu’elle a été voulue précisément par Lui-même, qu’elle a été «faite» par Lui. Ainsi apparaît alors le deuxième élément important: ce Dieu aime l’homme. La puissance divine qu’Aristote, au sommet de la philosophie grecque, chercha à atteindre par la réflexion, est vraiment, pour tout être, objet du désir et de l’amour – en tant que réalité aimée cette divinité met le monde en mouvement[6] –, mais elle-même n’a besoin de rien et n’aime pas; elle est seulement aimée. Au contraire, le Dieu unique auquel Israël croit aime personnellement. De plus, son amour est un amour d’élection : parmi tous les peuples, il choisit Israël et il l’aime, avec cependant le dessein de guérir par là toute l’humanité. Il aime, et son amour peut être qualifié sans aucun doute comme eros, qui toutefois est en même temps et totalement agapè[7].
Les prophètes Osée et Ézéchiel surtout ont décrit cette passion de Dieu pour son peuple avec des images érotiques audacieuses. La relation de Dieu avec Israël est illustrée par les métaphores des fiançailles et du mariage; et par conséquent, l’idolâtrie est adultère et prostitution. On vise concrètement par là, comme nous l’avons vu, les cultes de la fertilité, avec leur abus de l’eros, mais, en même temps, on décrit aussi la relation de fidélité entre Israël et son Dieu. L’histoire d’amour de Dieu avec Israël consiste plus profondément dans le fait qu’il lui donne la Torah, qu’il ouvre en réalité les yeux à Israël sur la vraie nature de l’homme et qu’il lui indique la route du véritable humanisme. Cette histoire consiste dans le fait que l’homme, en vivant dans la fidélité au Dieu unique, fait lui-même l’expérience d’être celui qui est aimé de Dieu et qu’il découvre la joie dans la vérité, dans la justice, la joie en Dieu qui devient son bonheur essentiel : «Qui donc est pour moi dans le ciel si je n’ai, même avec toi, aucune joie sur la terre ? ... Pour moi, il est bon d’être proche de Dieu» (Ps72[73] , 25.28).
10. L’eros de Dieu pour l’homme, comme nous l’avons dit, est, en même temps, totalement agapè. Non seulement parce qu’il est donné absolument gratuitement, sans aucun mérite préalable, mais encore parce qu’il est un amour qui pardonne. C’est surtout le prophète Osée qui nous montre la dimension de l’agapè dans l’amour de Dieu pour l’homme, qui dépasse de beaucoup l’aspect de la gratuité. Israël a commis «l’adultère», il a rompu l’Alliance; Dieu devrait le juger et le répudier. C’est précisément là que se révèle cependant que Dieu est Dieu et non pas homme : «Comment t’abandonnerais-je, Éphraïm, te livrerais-je, Israël ? ... Mon cœur se retourne contre moi, et le regret me consume. Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car je suis Dieu, et non pas homme: au milieu de vous je suis le Dieu saint» (Os 11, 8-9). L’amour passionné de Dieu pour son peuple – pour l’homme – est en même temps un amour qui pardonne. Il est si grand qu’il retourne Dieu contre lui-même, son amour contre sa justice. Le chrétien voit déjà poindre là, de manière voilée, le mystère de la Croix : Dieu aime tellement l’homme que, en se faisant homme lui-même, il le suit jusqu’à la mort et il réconcilie de cette manière justice et amour.
L’aspect philosophique, historique et religieux qu’il convient de relever dans cette vision de la Bible réside dans le fait que, d’une part, nous nous trouvons devant une image strictement métaphysique de Dieu: Dieu est en absolu la source originaire de tout être; mais ce principe créateur de toutes choses – le Logos, la raison primordiale – est, d’autre part, quelqu’un qui aime avec toute la passion d’un véritable amour. De la sorte, l’eros est ennobli au plus haut point, mais, en même temps, il est ainsi purifié jusqu’à se fondre avec l’agapè. À partir de là, nous pouvons ainsi comprendre que le Cantique des Cantiques, reçu dans le canon de la Sainte Écriture, ait été très vite interprété comme des chants d’amour décrivant, en définitive, la relation de Dieu avec l’homme et de l’homme avec Dieu. De cette manière, le Cantique des Cantiques est devenu, dans la littérature chrétienne comme dans la littérature juive, une source de connaissance et d’expérience mystique, dans laquelle s’exprime l’essence de la foi biblique; oui, il existe une unification de l’homme avec Dieu – tel est le rêve originaire de l’homme. Mais cette unification ne consiste pas à se fondre l’un dans l’autre, à se dissoudre dans l’océan anonyme du Divin; elle est une unité qui crée l’amour, dans lequel les deux, Dieu et l’homme, restent eux-mêmes et pourtant deviennent totalement un: «Celui qui s’unit au Seigneur n’est avec lui qu’un seul esprit», dit saint Paul (1 Co 6, 17).
11. La première nouveauté de la foi biblique consiste, comme nous l’avons vu, dans l’image de Dieu; la deuxième, qui lui est essentiellement liée, nous la trouvons dans l’image de l’homme. Le récit biblique de la création parle de la solitude du premier homme, Adam, aux côtés duquel Dieu veut placer une aide. Parmi toutes les créatures, aucune ne peut être pour l’homme l’aide dont il a besoin, bien qu’il ait donné leur nom à toutes les bêtes des champs et à tous les oiseaux, les intégrant ainsi dans son milieu de vie. Alors, à partir d’une côte de l’homme, Dieu modèle la femme. Adam trouve désormais l’aide qu’il lui faut: «Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair» (Gn 2, 23). À l’arrière-plan de ce récit, on peut voir des conceptions qui, par exemple, apparaissent aussi dans le mythe évoqué par Platon, selon lequel, à l’origine, l’homme était sphérique, parce que complet en lui-même et autosuffisant. Mais, pour le punir de son orgueil, Zeus le coupe en deux, de sorte que sa moitié est désormais toujours à la recherche de son autre moitié et en marche vers elle, afin de retrouver son intégrité[8]. Dans le récit biblique, on ne parle pas de punition; pourtant, l’idée que l’homme serait en quelque sorte incomplet de par sa constitution, à la recherche, dans l’autre, de la partie qui manque à son intégrité, à savoir l’idée que c’est seulement dans la communion avec l’autre sexe qu’il peut devenir «complet», est sans aucun doute présente. Le récit biblique se conclut ainsi sur une prophétie concernant Adam : «À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et tous deux ne feront plus qu’un» (Gn 2, 24).
Deux aspects sont ici importants: l’eros est comme enraciné dans la nature même de l’homme; Adam est en recherche et il «quitte son père et sa mère» pour trouver sa femme; c’est seulement ensemble qu’ils représentent la totalité de l’humanité, qu’ils deviennent «une seule chair». Le deuxième aspect n’est pas moins important: selon une orientation qui a son origine dans la création, l’eros renvoie l’homme au mariage, à un lien caractérisé par l’unicité et le définitif; ainsi, et seulement ainsi, se réalise sa destinée profonde. À l’image du Dieu du monothéisme, correspond le mariage monogamique. Le mariage fondé sur un amour exclusif et définitif devient l’icône de la relation de Dieu avec son peuple et réciproquement: la façon dont Dieu aime devient la mesure de l’amour humain. Ce lien étroit entre eros et mariage dans la Bible ne trouve pratiquement pas de parallèle en dehors de la littérature biblique.
Jésus Christ – l’amour incarné de Dieu
12. Même si nous avons jusque-là parlé surtout de l’Ancien Testament, cependant, la profonde compénétration des deux Testaments comme unique Écriture de la foi chrétienne s’est déjà rendue visible. La véritable nouveauté du Nouveau Testament ne consiste pas en des idées nouvelles, mais dans la figure même du Christ, qui donne chair et sang aux concepts – un réalisme inouï. Déjà dans l’Ancien Testament, la nouveauté biblique ne résidait pas seulement en des concepts, mais dans l’action imprévisible, et à certains égards inouïe, de Dieu. Cet agir de Dieu acquiert maintenant sa forme dramatique dans le fait que, en Jésus Christ, Dieu lui-même recherche la «brebis perdue», l’humanité souffrante et égarée. Quand Jésus, dans ses paraboles, parle du pasteur qui va à la recherche de la brebis perdue, de la femme qui cherche la drachme, du père qui va au devant du fils prodigue et qui l’embrasse, il ne s’agit pas là seulement de paroles, mais de l’explication de son être même et de son agir. Dans sa mort sur la croix s’accomplit le retournement de Dieu contre lui-même, dans lequel il se donne pour relever l’homme et le sauver – tel est l’amour dans sa forme la plus radicale. Le regard tourné vers le côté ouvert du Christ, dont parle Jean (cf. 19, 37), comprend ce qui a été le point de départ de cette Encyclique : «Dieu est amour» (1 Jn 4, 8). C’est là que cette vérité peut être contemplée. Et, partant de là, on doit maintenant définir ce qu’est l’amour. À partir de ce regard, le chrétien trouve la route pour vivre et pour aimer.
13. À cet acte d'offrande, Jésus a donné une présence durable par l’institution de l’Eucharistie au cours de la dernière Cène. Il anticipe sa mort et sa résurrection en se donnant déjà lui-même, en cette heure-là, à ses disciples, dans le pain et dans le vin, son corps et son sang comme nouvelle manne (cf. Jn 6, 31-33). Si le monde antique avait rêvé qu’au fond, la vraie nourriture de l’homme – ce dont il vit comme homme – était le Logos, la sagesse éternelle, maintenant ce Logos est vraiment devenu nourriture pour nous, comme amour. L’Eucharistie nous attire dans l’acte d’offrande de Jésus. Nous ne recevons pas seulement le Logos incarné de manière statique, mais nous sommes entraînés dans la dynamique de son offrande. L’image du mariage entre Dieu et Israël devient réalité d’une façon proprement inconcevable: ce qui consistait à se tenir devant Dieu devient maintenant, à travers la participation à l’offrande de Jésus, participation à son corps et à son sang, devient union. La «mystique» du Sacrement, qui se fonde sur l’abaissement de Dieu vers nous, est d’une tout autre portée et entraîne bien plus haut que ce à quoi n’importe quelle élévation mystique de l’homme pourrait conduire.
14. Mais il faut maintenant faire attention à un autre aspect: la «mystique» du Sacrement a un caractère social parce que dans la communion sacramentelle je suis uni au Seigneur, comme toutes les autres personnes qui communient: «Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain», dit saint Paul (1 Co 10, 17). L’union avec le Christ est en même temps union avec tous ceux auxquels il se donne. Je ne peux avoir le Christ pour moi seul; je ne peux lui appartenir qu’en union avec tous ceux qui sont devenus ou qui deviendront siens. La communion me tire hors de moi-même vers lui et, en même temps, vers l’unité avec tous les chrétiens. Nous devenons «un seul corps», fondus ensemble dans une unique existence. L’amour pour Dieu et l’amour pour le prochain sont maintenant vraiment unis : le Dieu incarné nous attire tous à lui. À partir de là, on comprend maintenant comment agapè est alors devenue aussi un nom de l’Eucharistie : dans cette dernière, l’agapè de Dieu vient à nous corporellement pour continuer son œuvre en nous et à travers nous. C’est seulement à partir de ce fondement christologique et sacramentel qu’on peut comprendre correctement l’enseignement de Jésus sur l’amour. Le passage qu’Il fait faire de la Loi et des Prophètes au double commandement de l’amour envers Dieu et envers le prochain, ainsi que le fait que toute l’existence de foi découle du caractère central de ce précepte, ne sont pas simplement de la morale qui pourrait exister de manière autonome à côté de la foi au Christ et de sa réactualisation dans le Sacrement : foi, culte et ethos se compénètrent mutuellement comme une unique réalité qui trouve sa forme dans la rencontre avec l’agapè de Dieu. Ici, l’opposition habituelle entre culte et éthique tombe tout simplement. Dans le «culte» lui-même, dans la communion eucharistique, sont contenus le fait d’être aimé et celui d’aimer les autres à son tour. Une Eucharistie qui ne se traduit pas en une pratique concrète de l’amour est en elle-même tronquée. Réciproquement, – comme nous devrons encore l’envisager plus en détail – le «commandement» de l’amour ne devient possible que parce qu’il n’est pas seulement une exigence: l’amour peut être «commandé» parce qu’il est d’abord donné.
15. C’est à partir de ce principe que doivent aussi être comprises les grandes paraboles de Jésus. Du lieu de sa damnation, l’homme riche (cf. Lc 16, 19-31) implore pour que ses frères soient informés de ce qui arrive à celui qui a, dans sa désinvolture, ignoré le pauvre dans le besoin. Jésus recueille, pour ainsi dire, cet appel à l’aide et s’en fait l’écho pour nous mettre en garde, pour nous remettre dans le droit chemin. La parabole du bon Samaritain (cf. Lc 10, 25-37) permet surtout de faire deux grandes clarifications. Tandis que le concept de “prochain” se référait jusqu’alors essentiellement aux membres de la même nation et aux étrangers qui s’étaient établis dans la terre d’Israël, et donc à la communauté solidaire d’un pays et d’un peuple, cette limitation est désormais abolie. Celui qui a besoin de moi et que je peux aider, celui-là est mon prochain. Le concept de prochain est universalisé et reste cependant concret. Bien qu’il soit étendu à tous les hommes, il ne se réduit pas à l’expression d’un amour générique et abstrait, qui en lui-même engage peu, mais il requiert mon engagement concret ici et maintenant. Cela demeure une tâche de l’Église d’interpréter toujours de nouveau le lien entre éloignement et proximité pour la vie pratique de ses membres. Enfin, il convient particulièrement de rappeler ici la grande parabole du Jugement dernier (cf. Mt 25, 31-46), dans laquelle l’amour devient le critère pour la décision définitive concernant la valeur ou la non-valeur d’une vie humaine. Jésus s’identifie à ceux qui sont dans le besoin: les affamés, les assoiffés, les étrangers, ceux qui sont nus, les malades, les personnes qui sont en prison. «Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait» (Mt 25, 40). L’amour de Dieu et l’amour du prochain se fondent l’un dans l’autre: dans le plus petit, nous rencontrons Jésus lui-même et en Jésus nous rencontrons Dieu.
Amour de Dieu et amour du prochain
16. Après avoir réfléchi sur l’essence de l’amour et sur sa signification dans la foi biblique, une double question concernant notre comportement subsiste : Est-il vraiment possible d’aimer Dieu alors qu’on ne le voit pas ? Et puis: l’amour peut-il se commander ? Au double commandement de l’amour, on peut répliquer par une double objection, qui résonne dans ces questions. Dieu, nul ne l’a jamais vu – comment pourrions-nous l’aimer ? Et, d’autre part : l’amour ne peut pas se commander; c’est en définitive un sentiment qui peut être ou ne pas être, mais qui ne peut pas être créé par la volonté. L’Écriture semble confirmer la première objection quand elle dit: « Si quelqu’un dit: "J’aime Dieu", alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas» (1 Jn 4, 20). Mais ce texte n’exclut absolument pas l’amour de Dieu comme quelque chose d’impossible; au contraire, dans le contexte global de la Première Lettre de Jean, qui vient d’être citée, cet amour est explicitement requis. C’est le lien inséparable entre amour de Dieu et amour du prochain qui est souligné. Tous les deux s’appellent si étroitement que l’affirmation de l’amour de Dieu devient un mensonge si l’homme se ferme à son prochain ou plus encore s’il le hait. On doit plutôt interpréter le verset johannique dans le sens où aimer son prochain est aussi une route pour rencontrer Dieu, et où fermer les yeux sur son prochain rend aveugle aussi devant Dieu.
17. En effet, personne n’a jamais vu Dieu tel qu’il est en lui-même. Cependant, Dieu n’est pas pour nous totalement invisible, il n’est pas resté pour nous simplement inaccessible. Dieu nous a aimés le premier, dit la Lettre de Jean qui vient d’être citée (cf. 4, 10) et cet amour de Dieu s’est manifesté parmi nous, il s’est rendu visible car Il «a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui» (1 Jn 4, 9). Dieu s’est rendu visible: en Jésus nous pouvons voir le Père (cf. Jn 14, 9). En fait, Dieu se rend visible de multiples manières. Dans l’histoire d’amour que la Bible nous raconte, Il vient à notre rencontre, Il cherche à nous conquérir – jusqu’à la dernière Cène, jusqu’au Cœur transpercé sur la croix, jusqu’aux apparitions du Ressuscité et aux grandes œuvres par lesquelles, à travers l’action des Apôtres, Il a guidé le chemin de l’Église naissante. Et de même, par la suite, dans l’histoire de l’Église, le Seigneur n’a jamais été absent: il vient toujours de nouveau à notre rencontre – par des hommes à travers lesquels il transparaît, ainsi que par sa Parole, dans les Sacrements, spécialement dans l’Eucharistie. Dans la liturgie de l’Église, dans sa prière, dans la communauté vivante des croyants, nous faisons l’expérience de l’amour de Dieu, nous percevons sa présence et nous apprenons aussi de cette façon à la reconnaître dans notre vie quotidienne. Le premier, il nous a aimés et il continue à nous aimer le premier; c’est pourquoi, nous aussi, nous pouvons répondre par l’amour. Dieu ne nous prescrit pas un sentiment que nous ne pouvons pas susciter en nous-mêmes. Il nous aime, il nous fait voir son amour et nous pouvons l’éprouver, et à partir de cet «amour premier de Dieu», en réponse, l’amour peut aussi jaillir en nous.
Dans le développement de cette rencontre, il apparaît clairement que l’amour n’est pas seulement un sentiment. Les sentiments vont et viennent. Le sentiment peut être une merveilleuse étincelle initiale, mais il n’est pas la totalité de l’amour. Au début, nous avons parlé du processus des purifications et des maturations, à travers lesquelles l’eros devient pleinement lui-même, devient amour au sens plein du terme. C’est le propre de la maturité de l’amour d’impliquer toutes les potentialités de l’homme, et d’inclure, pour ainsi dire, l’homme dans son intégralité. La rencontre des manifestations visibles de l’amour de Dieu peut susciter en nous un sentiment de joie, qui naît de l’expérience d’être aimé. Mais cette rencontre requiert aussi notre volonté et notre intelligence. La reconnaissance du Dieu vivant est une route vers l’amour, et le oui de notre volonté à la sienne unit intelligence, volonté et sentiment dans l’acte totalisant de l’amour. Ce processus demeure cependant constamment en mouvement: l’amour n’est jamais «achevé» ni complet; il se transforme au cours de l’existence, il mûrit et c’est justement pour cela qu’il demeure fidèle à lui-même. Idem velle atque idem nolle[9] – vouloir la même chose et ne pas vouloir la même chose; voilà ce que les anciens ont reconnu comme l’authentique contenu de l’amour: devenir l’un semblable à l’autre, ce qui conduit à une communauté de volonté et de pensée. L’histoire d’amour entre Dieu et l’homme consiste justement dans le fait que cette communion de volonté grandit dans la communion de pensée et de sentiment, et ainsi notre vouloir et la volonté de Dieu coïncident toujours plus: la volonté de Dieu n’est plus pour moi une volonté étrangère, que les commandements m’imposent de l’extérieur, mais elle est ma propre volonté, sur la base de l’expérience que, de fait, Dieu est plus intime à moi-même que je ne le suis à moi-même[10]. C’est alors que grandit l’abandon en Dieu et que Dieu devient notre joie (cf. Ps 72 [73], 23-28).
18. L’amour du prochain se révèle ainsi possible au sens défini par la Bible, par Jésus. Il consiste précisément dans le fait que j’aime aussi, en Dieu et avec Dieu, la personne que je n’apprécie pas ou que je ne connais même pas. Cela ne peut se réaliser qu’à partir de la rencontre intime avec Dieu, une rencontre qui est devenue communion de volonté pour aller jusqu’à toucher le sentiment. J’apprends alors à regarder cette autre personne non plus seulement avec mes yeux et mes sentiments, mais selon la perspective de Jésus Christ. Son ami est mon ami. Au-delà de l’apparence extérieure de l’autre, jaillit son attente intérieure d’un geste d’amour, d’un geste d’attention, que je ne lui donne pas seulement à travers des organisations créées à cet effet, l’acceptant peut-être comme une nécessité politique. Je vois avec les yeux du Christ et je peux donner à l’autre bien plus que les choses qui lui sont extérieurement nécessaires: je peux lui donner le regard d’amour dont il a besoin. Ici apparaît l’interaction nécessaire entre amour de Dieu et amour du prochain, sur laquelle insiste tant la Première Lettre de Jean. Si le contact avec Dieu me fait complètement défaut dans ma vie, je ne peux jamais voir en l’autre que l’autre, et je ne réussis pas à reconnaître en lui l’image divine. Si par contre dans ma vie je néglige complètement l’attention à l’autre, désirant seulement être «pieux» et accomplir mes «devoirs religieux», alors même ma relation à Dieu se dessèche. Alors, cette relation est seulement «correcte», mais sans amour. Seule ma disponibilité à aller à la rencontre du prochain, à lui témoigner de l’amour, me rend aussi sensible devant Dieu. Seul le service du prochain ouvre mes yeux sur ce que Dieu fait pour moi et sur sa manière à Lui de m’aimer. Les saints – pensons par exemple à la bienheureuse Teresa de Calcutta – ont puisé dans la rencontre avec le Seigneur dans l’Eucharistie leur capacité à aimer le prochain de manière toujours nouvelle, et réciproquement cette rencontre a acquis son réalisme et sa profondeur précisément grâce à leur service des autres. Amour de Dieu et amour du prochain sont inséparables, c’est un unique commandement. Tous les deux cependant vivent de l’amour prévenant de Dieu qui nous a aimés le premier. Ainsi, il n’est plus question d’un «commandement» qui nous prescrit l’impossible de l’extérieur, mais au contraire d’une expérience de l’amour, donnée de l’intérieur, un amour qui, de par sa nature, doit par la suite être partagé à d’autres. L’amour grandit par l’amour. L’amour est «divin» parce qu’il vient de Dieu et qu’il nous unit à Dieu, et, à travers ce processus d’unification, il nous transforme en un Nous, qui surpasse nos divisions et qui nous fait devenir un, jusqu’à ce que, à la fin, Dieu soit «tout en tous» (1 Co 15, 28).

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27 avril 2006 4 27 /04 /avril /2006 11:53
Prière pour les vocations
 
Trinité bienheureuse, de qui tout provient et vers qui tout s'oriente dans l'histoire, nous nous mettons à genoux devant Toi dans l’humilité, pour te demander les vocations dont nous avons besoin pour notre Eglise.
 
Que, grâce à de nouvelles vocations, les hommes et les femmes de Moselle soient plus nombreux à découvrir que tu les aimes d'un amour immense et sans borne. Qu’ils découvrent qu'à tes yeux chaque personne est unique, appelée à être engagée librement et radicalement à tes côtés pour toujours, dans cette alliance de Vie avec Toi.
 
Qu’en découvrant le bonheur de leur vocation et la grandeur de leur mission et en s’y donnant sans retour, tous puissent dire à la suite de l’Apôtre Paul: « Pour moi vivre, c’est le Christ. »
 
Qu'à l'imitation de la première communauté de Jérusalem, nos communautés renouvelées portent témoignage de la Résurrection du Seigneur, tant par la qualité évangélique de leur vie que par l'audace de leurs engagements, notamment auprès des plus pauvres et des exclus.
 
Que nombreux soient les jeunes de Moselle à répondre à cet appel radical à tout laisser pour te suivre, appel à la vie consacrée, au ministère de diacre ou de prêtre, ou à la vocation d'époux et de parents, fondateurs de familles vraiment chrétiennes.
 
Que, dans le diocèse, les ministères et les charismes soient vécus dans une harmonieuse complémentarité en vue du bien de tous.
 
Marie, modèle et mère de l'Eglise, joins ta prière à celle des disciples de ton Fils, afin qu'avec une ardeur nouvelle ils annoncent à tous le message de l'Evangile et remplissent le monde de l'effusion de l'Esprit. 
+ fr. Pierre RAFFIN, o.p.
évêque de Metz
 
 
Prière des enfants
 

 
 
Seigneur Jésus, je me mets à genoux devant Toi dans l'humilité pour te demander les prêtres, les diacres, les religieuses et les religieux dont nous avons besoin. Que par eux, chacun sache que Tu l'aimes infiniment et d'un amour unique. Qu'à la suite des saints, mes frères et sœurs du ciel, je puisse T’aimer Jésus comme Tu m’aimes. Marie, Mère de l'Église, aide moi à trouver ma vocation pour que l’Evangile de Jésus soit annoncé partout et que le souffle de son Esprit embrase le monde entier.

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26 avril 2006 3 26 /04 /avril /2006 22:43
Charles de Foucault fut trappiste quelques mois à l’abbaye des Neiges à partir de janvier 1890, puis à Akbès, en Syrie, en tout 7 ans. Moine sous le nom de Frère Marie-Albéric, il écrivit, en 1896, cette méditation sur la Passion de Jésus en croix : La dernière prière de Jésus. Ce texte fut abrégé par des Petites Sœurs et est devenu la prière de Charles de Foucault.
Méditation de Frère Albéric
 
 Mon Père, je me remets entre Tes mains ;
 mon Père, je me confie à Toi ;
 mon Père, je m'abandonne à Toi ;
 mon Père, fais de moi ce qu'il Te plaira ;
 quoi que Tu fasses de moi,
 je Te remercie ;
 merci de tout ;
 je suis prêt,  à tout ;
 j'accepte tout ;
 je Te remercie de tout ;
 pourvu que Ta volonté se fasse
en moi, mon Dieu,
pourvu que Ta volonté se fasse
 en toutes Tes créatures,
 en tous Tes enfants,
 en tous ceux que Ton coeur aime,
 je ne désire rien d'autre, mon Dieu ;
 je remets mon âme entre Tes mains ;
 je Te la donne, mon Dieu,
 avec tout l'amour de mon coeur,
 parce que je T'aime,
 et que ce m'est un besoin d'amour
 de me donner,
 de me remettre en Tes mains
 sans mesure ;
 je me remets entre Tes mains
 avec une infinie confiance
 car Tu es mon Père.
 
Prière de Charles de Foucault
 
 
 
Mon Père  je m'abandonne à toi,
fais de moi ce qu'il Te plaira.
Quoique Tu fasses de moi,
je te remercie.
 
Je suis prêt à tout
j'accepte tout,
 
Pourvu que Ta Volonté se fasse
en moi,
 
en toutes tes créatures.
 
 
Je ne désire rien d'autre, mon Dieu.
Je remets mon âme entre tes mains.
Je te la donne mon Dieu,
avec tout l'amour de mon coeur,
Parce que je t'aime
et que ce m'est un besoin d'amour
de me donner,
de me remettre entre Tes mains,
sans mesure
 
avec une infinie confiance.
car Tu es mon Père.
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26 avril 2006 3 26 /04 /avril /2006 22:16
Je vous aime, ô mon Dieu, et mon seul désir est de vous aimer jusqu'au dernier soupir de ma vie. Je vous aime, ô Dieu infiniment aimable, et j’aime mieux mourir en vous aimant, que de vivre un seul instant sans vous aimer. Je vous aime, Seigneur. Et la seule grâce que je vous demande, c’est de vous aimer éternellement...
 
Mon Dieu, si ma langue ne peut dire à tous moments que je vous aime, je veux que mon coeur vous le répète autant de fois que je respire... Mon Dieu, faites moi la grâce de souffrir en vous aimant et de vous aimer en souffrant. Je vous aime, ô mon divin Sauveur, parce que vous avez été crucifié pour moi, je vous aime, ô mon Dieu, parce que vous me tenez ici-bas crucifié pour vous...
 
Mon Dieu, faites-moi la grâce de mourir en vous aimant et en sentant que je vous aime. Mon Dieu, à proportion que je m’approche de ma fin, faites-moi la grâce d’augmenter mon amour et de le perfectionner.
Amen.
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26 avril 2006 3 26 /04 /avril /2006 22:08
Trouver le Christ, et le regarder…de Thérèse d’Avila
 
Pour prier comme il faut, vous devez /…/ trouver une compagnie. Mais quelle meilleure compagnie que celle du Maître lui-même qui vous a enseigné la prière que vous allez réciter ? Imaginez que le Seigneur est tout prés de vous, et regardez avec quel amour et avec quelle humilité il vous instruit. Croyez-moi, faites tout votre possible pour ne jamais vous séparer d'un si bon ami. Si vous vous habituez à le garder près de vous, et s'il voit que vous le faites avec amour et que vous vous efforcez de le contenter, vous ne pourrez plus, comme on dit, vous en débarrasser. Il ne vous manquera jamais, il vous aidera dans toutes vos difficultés, il sera partout avec vous. Pensez-vous que ce soit peu de chose que d'avoir un tel ami à vos côtés ? /…/ Je ne vous demande pas de penser à lui, ni de forger quantité de concepts ou de tirer de votre esprit. Je ne vous demande que de le regarder. Qui peut vous empêcher de tourner les yeux de l'âme, ne serait-ce qu'un instant si vous ne pouvez davantage, vers lui ? /…/ Mes filles, votre Époux ne vous quitte jamais des yeux. Il a supporté de votre part mille choses laides et abominables, et ces offenses contre lui n'ont pas suffi pour qu'il détournât de vous ses regards. Est-ce donc beaucoup que vous détourniez les yeux de l'âme des choses extérieures pour les porter quelquefois sur lui ? Songez, comme il le dit à l'Épouse, qu'il n'attend de vous qu'un regard ; vous le trouverez tel que vous le désirerez. Il estime tant ce regard que, de son côté, il ne négligera rien pour l'avoir.
Le chemin de perfection XXVI,1-3 texte Escorial,
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