Ce matin, à 10h, la messe chrismale a été célébrée à la cathédrale Saint-Etienne de Metz. Plus d'une centaine de prêtres, diacres et séminaristes du diocèse étaient réunis autour de Monseigneur Pierre Raffin, évêque de Metz, qui a consacré le saint chrême, cette huile parfumée utilisée pour les sacrements de baptême, de confirmation et d'ordination. Notre évêque a également béni les autres huiles saintes que sont l'huile des catéchumènes et l'huile pour le sacrement des malades.
Comme chaque année, la célébration a été l'occasion de mettre à l'honneur les prêtres jubilaires. Retrouvez la liste de ces prêtres jubilaires ainsi que des photos de la célébration sur http://catholique-metz.cef.fr
Vous pouvez également lire ci dessous l'homélie prononcée par Mgr Pierre Raffin:
La Pâque du Seigneur est maintenant toute proche. Comment la célébrer en vérité si notre coeur est divisé et rempli d'animosité à l'égard de nos frères ? si nous ne sommes pas en paix avec notre Eglise et ses divers pasteurs ? L'Eglise catholique a été fortement secouée ces dernières semaines par la levée des excommunications, le 24 janvier, des évêques ordonnés en 1988 par Mgr Marcel Lefebvre. Beaucoup se sont exprimé sur ce sujet. Dans plusieurs interventions, j'ai essayé de faire comprendre ce qui s'est exactement passé et ce qui est en cause, je n'y reviens pas. Je voudrais présentement proposer quelques réflexions pour avancer. Tout d'abord, il me semble qu'il n'y a pas de bons et de mauvais frères séparés. Nous pouvons nous sentir plus en affinité avec tels ou tels, mais cela ne change pas la réalité de la séparation qui ne peut prendre réellement fin que dans la confession de la même foi. A la fin du deuxième Concile du Vatican, grâce à une décision commune du pape Paul VI et du patriarche Athénagoras, les anathèmes, mutuellement portés par Rome et Constantinople au moment de la rupture de juillet 1054, furent levés, pour autant, malgré ce geste de portée considérable, nous n'avons pas encore rétabli la pleine communion entre nos deux Eglises. Toutes proportions gardées, la levée d'excommunication par Benoît XVI ressemble à cette initiative de la fin du Concile, à cette forte différence près que les fidèles de Mgr Lefevbre n'ont pour l'heure donné aucun signe clair de leur désir de renouer avec l'Eglise dont ils se sont séparés. Dans un cas comme dans l'autre, les retrouvailles seront sans doute longues, mais nous ne pouvons pas en exclure la possibilité. Nous sommes tous invités à un approfondissement de notre foi et à ne pas surfer sur des opinions publiques plus ou moins inspirées de la foi catholique que véhiculent à plaisir les médias. La foi de l'Eglise catholique, telle que l'a réexprimée il y a quarante ans le 2ème Concile du Vatican, a été condensée dans deux ouvrages majeurs, recommandés par le pape Benoît XVI lui-même lors de sa venue en France, le Catéchisme pour adultes, publié en 1991 par les évêques de France, et le Catéchisme de l'Eglise catholique, promulgué en 1992 par le pape Jean-Paul II. C'est dans ces deux ouvrages que nous pouvons trouver l'expression la plus authentique de la foi catholique dans laquelle nous avons été baptisés. On cite souvent le sens surnaturel de la foi, dont a parlé la Constitution Lumen Gentium, au numéro 12, pour justifier le bien fondé de nouvelles opinions exprimées par les chrétiens. Mais, contrairement aux dires de certains, il ne suffit pas d'être baptisé et confirmé pour exprimer automatiquement le sens de la foi. Il faut adhérer pleinement à la foi de l'Eglise et en vivre habituellement. Les opinions des chrétiens, en tant que telles, ne sauraient être purement et simplement confondues avec le sensus fidei, même si elles sont majoritaires. Au moment de la crise arienne, seule une minorité a gardé la foi définie à Nicée ; si l'on avait alors confondu le sensus fidelium et l'opinion commune, toute l'Eglise eût été arienne. Par ailleurs, le sensus fidei fidelium n'est pas séparable du sentire cum Ecclesia dont a parlé saint Ignace de Loyola dans ses règles de discernement. Au cours de ces dernières semaines, de nombreux catholiques se sont réclamé, parfois avec passion, de la fidélité au deuxième Concile du Vatican. Comment ne pas s'en réjouir, à condition que la connaissance que l'on a du Concile, à quarante ans de distance, ne soit pas réduite à des clichés ou à des interprétations partielles ou partiales qui trahissent une méconnaissance du Concile lui-même. Je suis de ceux qui pensent avec Jean-Paul II, dans Novo millennio ineunte, que le Concile a été « la grande grâce dont l'Eglise a bénéficiée au XXème siècle ; et qu'il nous offre une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence » (n° 57), mais, en même temps, j'attends que ceux qui s'en réclament le connaissent vraiment et complètement et je me refuse à opposer « les textes du Concile» et «l'esprit du Concile ». Dans sa lettre aux évêques du 10 mars dernier, le pape Benoît XVI écrit à juste titre : « A certains de ceux qui se proclament comme de grands défenseurs du Concile, il doit être aussi rappelé que Vatican II renferme l'entière histoire doctrinale de l'Eglise. Celui qui veut obéir au Concile, doit accepter la foi professée au cours des siècles et il ne peut couper les racines dont l'arbre vit ». Parce que la pénurie des prêtres s'accentue d'année en année sans signe fort de changement, toutes sortes de confusions sur le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel se répandent dans notre Eglise qui, quoi qu'on en dise parfois, n'ont aucun fondement dans l'enseignement de Vatican II. Vatican II a clairement distingué sacerdoce baptismal ou sacerdoce commun et sacerdoce ministériel ou hiérarchique. Comme le résume le CEC, « Le sacerdoce ministériel ou hiérarchique des évêques et des prêtres, et le sacerdoce commun de tous les fidèles, bien que 'l'un et l'autre, chacun selon son mode propre, participent de l'unique sacerdoce du Christ', diffèrent cependant essentiellement, tout en étant ordonnés l'un à l'autre. En quel sens ? Alors que le sacerdoce commun des fidèles se réalise dans le déploiement de la grâce baptismale, vie de foi, d'espérance et de charité, vie selon l'Esprit, le sacerdoce ministériel est au service du sacerdoce commun ; il est relatif au déploiement de la grâce baptismale de tous les chrétiens. Il est un des moyens par lesquels le Christ ne cesse de construire et de conduire son Eglise. C'est pour cela qu'il est transmis par un sacrement propre, le sacrement de l'Ordre » (n° 1547). Pour Vatican II, la vocation et la mission premières des fidèles laïcs, c'est l'évangélisation des réalités séculières (famille, économie, politique et culture). Pour parvenir à cette fin, l'apostolat des laïcs a besoin d'être organisé et soutenu par l'Eglise elle-même, notamment à travers des mouvements ou des associations de fidèles reconnus. Ce souci continue d'animer les évêques de France, comme en témoignent entre autres les travaux de notre dernière réunion provinciale. Mais cet effort d'évangélisation des réalités séculières, rendu plus urgent par la déchristianisation croissante, a besoin précisément du ministère des prêtres. Le pape Jean-Paul II le disait à N.-D. de Paris le 30 mai 1980 et le redisait en 1992 dans son Exhortation apostolique Pastores dabo vobis : « Plus le peuple de Dieu atteint sa maturité, plus les familles chrétiennes et les laïcs chrétiens assument leur rôle dans leurs multiples engagements d'apostolat, plus ils ont besoin de prêtres qui soient pleinement prêtres, précisément dans la vitalité de leur vie chrétienne ». Dans les années qui ont suivi le Concile, le nouveau droit de l'Eglise a invité les fidèles laïcs à prendre des responsabilités dans différentes instances, organisations et conseils (conseils pastoraux, mais aussi conseils économiques) afin de mieux discerner avec les pasteurs la volonté de Dieu. Cette vision de l'Eglise s'est avérée bénéfique : comment aurais-je pu promulguer en l'an 2000 le Projet Pastoral Diocésain sans le travail mené en commun par le Conseil presbytéral et le Conseil pastoral dans une belle harmonie. Au fil des ans, la pénurie persistante des vocations presbytérales a conduit l'Eglise, surtout depuis l'Exhortation apostolique Christifideles laici (n° 23), à promouvoir des ministères laïcs qui relèvent non pas du sacrement de l'Ordre, mais du baptême et de la confirmation, voire du sacrement du mariage. Malheureusement, la promotion de ces ministères laïcs s'est faite de façon trop empirique et sans réflexion suffisante sur leurs relations avec le ministère confié par Jésus aux Douze. Le labeur théologique doit être poursuivi en ce domaine. Merci en tout cas à nos frères et soeurs laïcs qui, d'une manière ou d'une autre, paient de leur personne pour que l'Eglise soit vivante et proche, communicante et appelante, selon les termes de notre Projet Pastoral Diocésain. Nous avons un urgent besoin de prêtres, je ne le répèterai jamais assez, car le déploiement du sacerdoce baptismal a besoin du sacerdoce ministériel et donc du ministère du prêtre. La promotion des vocations presbytérales n'est pas seulement l'affaire de l'évêque et du service des vocations, mais de tous les baptisés. A vous prêtres, qui « portez le poids du jour et de la chaleur », il importe de manifester que cela vaut la peine d'être prêtre et que cela remplit votre coeur. A vous frères et soeurs laïcs, il appartient de désirer des prêtres selon le coeur de Dieu et de les lui demander dans une ardente prière. Puisse l'année du prêtre voulue par Benoît XVI pour marquer le cent cinquantième anniversaire de la mort de saint Jean-Marie Vianney être l'occasion pour tous les catholiques de reprendre conscience de l'importance du ministère du prêtre et pour les jeunes de répondre à l'appel que les évêques de France leur adressent : venez au service de l'Eglise et de sa mission, comme prêtres diocésains (Lourdes, 3 avril 2009). Même si, espérons-le, à court ou moyen terme, les vocations presbytérales devaient être plus abondantes, le prêtre d'aujourd'hui et de demain devra tenir compte de la pluralité des ministères ; du développement du ministère diaconal envisagé par Vatican II (les diacres du diocèse sont à l'heure actuelle au nombre de cinquante quatre) et des diverses missions dûment confiées à des fidèles laïcs, notamment dans le cadre des Equipes d'Animation Pastorale. Les ministères dans l'Eglise ne sont pas de simples fonctions, ils supposent toujours un engagement de la personne. C'est particulièrement vrai du ministère des prêtres qui incarnent le Christ pauvre, chaste et obéissant donnant sa vie pour le salut du monde. Le début de l'Evangile de la messe de la Cène nous le rappellera demain : « Avant la fête de la Pâque, sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout » (Jn 13,1). Dès lors, suivre le Christ, surtout comme prêtre, c'est donner sa vie. Les engagements de l'ordination que les prêtres vont renouveler dans quelques instants ne sont pas des engagements contractuels, mais des vies données à la suite du Christ pour que les hommes aient la vie. Rendons grâce pour ces vies données, pour certains depuis de nombreuses années et qui produisent plus de fruit que nous ne pouvons le percevoir, et redisons la belle oraison du mardi de la 5ème semaine de Carême reprise des anciens sacramentaires pour la messe chrismale : « Seigneur, accorde-nous la joie de persévérer dans ta volonté ; afin qu'au long des jours, le peuple dévoué à ton service augmente en nombre et grandisse en sainteté ». Parce que le célibat sacerdotal est intimement lié à la suite du Christ, bon pasteur donnant sa vie, l'Eglise latine n'appelle à l'ordination presbytérale que des hommes qui ont la volonté de garder le célibat en vue du Royaume. « Appelés à se consacrer sans partage au Seigneur et à ses affaires, commente le CEC, ils se donnent tout entiers à Dieu et aux hommes. Le célibat est un signe de cette vie nouvelle au service de laquelle le ministre de l'Eglise est consacré ; accepté d'un coeur joyeux, il annonce de façon rayonnante le Règne de Dieu » (n° 1579). Certains, je le sais, estiment que, ce faisant, l'Eglise latine met la barre trop haut et qu'elle trouverait sûrement un surcroît de prêtres en ordonnant des hommes mariés, comme cela se fait dans les Eglises orientales, y compris catholiques. Je ne partage pas cette opinion, et je suis convaincu, comme le disait Paul VI dans Sacerdotalis caelibatus, à la suite de Presbyterorum ordinis (n° 16), que ce choix qui remonte à l'âge apostolique présente une haute convenance avec le sacerdoce du Nouveau Testament et que pour cette raison il doit être maintenu.
Le Dieu que nous servons est le Dieu de la joie, d'une joie capable de réjouir le coeur des jeunes, comme nous le rappelait hier l'antienne Introibo ad altare Dei de la messe tridentine. Frères et amis prêtres, en ce temps de crise, nos contemporains attendent de nous que nous soyons pour eux serviteurs de la joie, dans la continuité de l'apôtre Paul qui écrivait aux Corinthiens : « il ne s'agit pas d'exercer un pouvoir sur votre foi, mais de collaborer à votre joie » (2 Co 1, 24). Certes les temps sont durs, mais cela ne devrait pas nous empêcher de témoigner que « la joie du Seigneur est notre rempart » (Ne 8,10), car la condition du chrétien - et donc celle du prêtre -, toute transfigurée qu'elle soit par la lumière de la Résurrection, est marquée du signe de la croix. « Allons de l'avant dans l'espérance, nous disait Jean-Paul II au terme de l'année jubilaire 2000, nous pourrons compter sur la force de l'Esprit lui-même, qui a été répandu à la Pentecôte et qui nous pousse aujourd'hui à reprendre la route, soutenus par l'espérance 'qui ne déçoit pas' (Rm 5,5) » (Novo millennio ineunte, n° 58)
+fr. Pierre RAFFIN, o.p. évêque de Metz