Situer à sa juste place le ministère ordonné
Le temps du carême est marqué en mars 2010 par la réflexion sur le ministère ordonné à laquelle toute l'Eglise est conviée en cette année sacerdotale. La récollection des prêtres par zone pastorale et les conférences de carême proposées à Metz en constituent des temps forts.
L'ecclésiologie de Vatican II favorise la pluralité des ministères, elle invite chacun à prendre sa place dans l'Eglise et dans le monde, mais elle n'estompe pas le ministère ordonné, elle invite plutôt à l'évaluer à sa juste place, à en manifester la beauté et à témoigner du bonheur que l'on peut éprouver à l'exercer.
Il serait dommageable que, par un mouvement de balancier, on passe d'une situation où le prêtre faisait à peu près tout à un autre extrême, et que le ministère ordonné s'en trouve obscurci.
Ne devons-nous pas apprendre à porter sur le prêtre un regard plus profond qui est celui de la foi ? N'oublie-t-on pas trop souvent ce qui, dans le prêtre, n'est accessible que par la foi, à savoir sa dimension sacramentelle ? Le prêtre en effet représente sacramentellement le Christ Pasteur, il lui est configuré, à telle enseigne que, lorsqu'il pardonne les péchés en son nom, il ne dit pas : « Jésus te pardonne », mais «je te pardonne ».
Accueille-t-on toujours dans la foi la prédication du prêtre ? La question que l'on peut facilement poser est « Parle-t-il bien ? » ou « Confirme-t-il mes convictions personnelles ? » et pense-t-on que c'est Jésus qui parle à travers ce prêtre, même lorsqu'il balbutie ? Le prêtre n'est pas d'abord un orateur, mais un prédicateur, ce qui est tout différent. Il n'est pas un animateur, mais un célébrant. Il n'est pas un organisateur de la communauté, mais un pasteur. C'est Jésus qui parle, célèbre et guide à travers lui.
François d'Assise, qui était diacre, avait un très grand respect du prêtre et il exhortait souvent ses frères à respecter les prêtres quels qu'ils soient : « Le Seigneur me donna et me donne une telle foi dans les prêtres qui vivent selon la forme de la sainte Eglise romaine, à cause de leur ordre, que même s'ils me persécutaient, je veux recourir à eux. Et si j'avais autant de sagesse que Salomon et si je trouvais de pauvres prêtres de ce siècle, je ne veux pas prêcher dans les paroisses où ils demeurent, au-delà de leur volonté. Et ceux-là et tous les autres, je veux les craindre, les aimer et les honorer comme mes seigneurs. Et je ne veux pas considérer en eux le péché car je discerne en eux le Fils de Dieu et ils sont mes seigneurs. Et je fais cela parce que dans ce siècle, je ne vois rien corporellement du très haut Fils de Dieu, sinon son très saint corps et son très saint sang qu'eux-mêmes reçoivent et qu'eux seuls administrent aux autres ».
Il importe que le prêtre vive avec humilité et simplicité dans la conscience que le Christ l'habite de manière toute particulière comme la Tête de son Eglise. Et il importe que, du prêtre, les chrétiens découvrent mieux la dimension mystique. Si ce double voeu était exaucé, l'année sacerdotale aurait atteint son but.
fr. Pierre RAFFIN, o.p. évêque de Metz
Mars 2010